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LES PREMIERS FRANÇAIS DANS L’INDE

moyennant cinquante pagodes, et même à leur donner un corps de troupes pour appuyer leurs prétentions.

Pour résister à cette formidable agression, Martin n’avait littéralement aucunes ressources ; d’un autre côté la Compagnie française, en reprenant les affaires en 1684, avait eu la douleur de reconnaître que loin de tirer profit de ses entreprises commerciales, elle avait à cette époque perdu la moitié de son capital ; elle était d’autant moins disposée à envoyer des secours matériels à Martin, que depuis quelque temps on en était venu à juger son entreprise comme téméraire et impraticable. Dès le principe, Martin avait donc été abandonné à lui-même ; malgré cela, nous avons vu ce qu’il avait accompli, comment il avait construit et fortifié une ville, établi un négoce, gagné la confiance des indigènes, aussi bien des princes que des peuples, et posé les bases d’une prospérité durable. Et maintenant tout cet édifice allait crouler ! Ses alliés indigènes, battus dans les luttes qui désolaient le pays, ne pouvaient lui être d’aucun secours. Il avait six canons, trente ou quarante Européens, trois ou quatre cents indigènes, et il se voyait attaquer par une flotte et une armée assez fortes pour prendre possession de tous les établissements français dans l’Inde.

Ce dut être un triste jour pour Martin que celui où il contempla l’orage éclatant sur sa tête et détruisant les résultats incontestables de sa sage et habile politique. Néanmoins, il rassembla toutes les ressources d’un esprit habitué à juger avec calme et de sangfroid.

Il prit la précaution de faire sortir de la ville tous les gens inutiles et se prépara à une vigoureuse défense. Les Hollandais ne lui donnèrent aucun répit ; ils débarquèrent leurs troupes vers la fin d’août, l’isolèrent tout à la fois de la terre ferme et de la mer et conduisirent leur attaque avec tant de vigueur, que le 6 septembre, après une résistance de douze jours, Martin, voyant l’impossibilité de tenir plus longtemps, demanda à parlementer. On en vint à signer le 8 septembre une capitulation contenant treize articles dont les principaux étaient : que la place serait abandonnée à la Compagnie hollandaise des Indes-Orientales, que la garnison eoitirait avec les honi^eurs de la guerre, que les soldats indigènes