Clive, nous l’avons dit, en était venu à cette conclusion par le seul effort de son génie, et il avait la faculté de lire dans l’avenir et d’y apercevoir les résultats probables. En conséquence, aussitôt après son retour de Trichinopoly, il se rendit auprès de M. Saunders, le Gouverneur ; il lui démontra que, si les affaires continuaient à être conduites d’une façon aussi apathique, Trichinopoly ne pouvait manquer de succomber en entraînant la ruine des intérêts anglais ; il exposa que Chunda-Sahib, ayant amené presque toutes ses forces pour concourir au siège, avait laissé sa capitale fort dégarnie ; qu’on ne rencontrerait donc aucune de ses troupes, pas plus que celles des Français, qui se trouvaient avec Law devant Trichinopoly, ou avec de Bussy à Aurungabad ; qu’on pouvait par conséquent attaquer l’ennemi au centre de ses possessions, et que le succès d’une pareille tentative aurait pour conséquence, ou la délivrance de Trichinopoly, ou au moins le transport des opérations militaires sur un nouveau théâtre assez avantageux pour compenser la perte de cette ville. Afin de donner plus de poids à ses propositions, il offrit de conduire lui-même les troupes destinées à les mettre à exécution. Si M. Saunders, nommé Gouverneur l’année précédente, n’était pas doué du génie des grandes combinaisons, il avait au moins le mérite réel de savoir apprécier les conceptions des autres. Il accueillit avec bienveillance les propositions de Clive, ordonna démettre sur pied de campagne deux cents Européens et trois cents Cipayes, réduisant ainsi au minimum les garnisons de Saint-David et de Madras, et couronna le tout par la nomination de Clive au commandement de l’expédition, avec le grade de capitaine, muni de pouvoirs illimités.
Arcate, le point de mire de Clive, capitale du Carnate et résidence du nabab, était à cette époque une ville ouverte de cent mille habitants. Il existait, il est vrai, un fort et quelque apparence extérieure de fortifications, mais celles-ci étaient depuis longtemps en fort mauvais état, et tombaient en ruines faute d’entretien. La garnison se composait de mille indigènes, dont moitié de cavalerie ; aux canonniers indigènes avaient été adjoints deux ou trois artilleurs français, dans le but de leur apprendre à faire feu rapidement.