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POLITIQUE DE DUPLEIX

Le départ de l’amiral Boscawen était l’instant attendu par Chunda-Sahib, dont tous les préparatifs étaient faits. Dupleix avec ce rare désintéressement et ce soin incessant des ressources de la colonie qui l’ont si éminemment distingué, avait avancé à ce prince cent mille roupies de ses propres fonds, et persuadé à d’autres personnes d’y en ajouter deux cent mille[1]. Il lui fournit aussi huit cents Européens, trois cents Africains et un train d’artillerie dont l’entretien cessa de peser sur Pondichéry, quoique Dupleix se réservât le droit de rappeler ses troupes. Elles marchèrent vers Trichinopoly avec Chunda-Sahib, sous le commandement immédiat de M. Duquesne, le jour même où la flotte s’éloigna. La prise de cette ville devait mettre fin à toute résistance puisque le seul homme qui eût l’ombre d’un droit à faire valoir en opposition à Chunda-Sahib, s’était enfermé dans cette forteresse.

À cette heure il est aussi évident pour nous qu’il l’était alors pour Dupleix, que de la capture de Trichinopoly dépendait l’établissement de la prépondérance permanente de la France dans l’Inde méridionale. Si elle se fût réalisée, Chunda-Sahib n’avait plus aucun rival, et les Anglais plus le moindre prétexte pour refuser de reconnaître sa suprématie qui, dès lors, aurait été tellement consolidée, qu’ils n’auraient pas osé la mettre en question. Ils se seraient donc vus forcés d’admettre sur la côte de Coromandel la domination d’un prince irrévocablement lié aux Français par inclination, par reconnaissance et par intérêt.

Voilà bien quelle était la politique de Dupleix ; pour la faire triompher, il mettait tous les secours possibles à la disposition de ses alliés. Il leur donnait de l’argent, des hommes, des canons et des officiers. De leur côté, l’obligation qu’ils s’étaient imposée en quittant Pondichéry, était de suivre le plan que leur avait tracé Dupleix comme le plus profitable à leurs intérêts aussi bien qu’aux siens, savoir, de marcher droit sur Trichinopoly.

Mais ici nous rencontrons un nouvel exemple de l’impuissance qui frappe le plus grand génie, quand il ne trouve dans les instruments dont il peut disposer, que faiblesse et hésitation. Assurément, après avoir

  1. Ces avances étaient garanties par des terres abandonnées temporairement aux Français.