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LA BOURDONNAIS ET DUPLEIX

M. David s’étant prononcé favorablement sur ce point, La Bourdonnais fut investi du commandement de l’escadre et invité à faire route pour la France en passant par la Martinique. En doublant le cap de Bonne-Espérance, sa flotte eut à souffrir d’une tempête ; mais il réussit avec quatre de ses vaisseaux à gagner la Martinique. Là, il apprit que la route vers la patrie était obstruée par des croiseurs anglais, impossibles à éviter et trop nombreux pour qu’il pût les combattre. Impatient cependant d’arriver en France pour se disculper, il se rendit, sous un nom supposé, à Saint-Eustache, y convertit sa fortune en bijoux[1], et prit passage sur un vaisseau hollandais ; mais la guerre était déclarée entre l’Angleterre et la Hollande, et le navire qui le portait fut pris et conduit dans un port anglais. La Bourdonnais fut reconnu et déclaré prisonnier Je guerre.

Ici nous nous éloignerons un instant de notre histoire pour raconter la fin de sa carrière. Regardé par les Anglais, à cause de sa conduite à Madras, comme le champion de leurs intérêts (triste honneur pour un amiral français !) il fut comblé de toutes parts de témoignages d’estime et de considération. Il fut traité avec la plus grande distinction par la famille royale, par la cour des Directeurs et par le public. Son impatience de répondre aux accusations portées contre lui était telle, qu’il obtint du ministère de le laisser retourner en France sur parole.

Sa réception en France ne fut pas favorable. Il fut accusé d’avoir méconnu les ordres du Roi, d’avoir fait des conventions secrètes avec l’ennemi, d’avoir détourné, pour son propre usage, les fonds de la Compagnie. Il fut, en conséquence, conduit à la Bastille et demeura trois ans dans cette forteresse, sans qu’il lui fût permis de voir sa famille et de se servir ni de plumes, ni d’encre[2]. Cependant, au moyen de mouchoirs empesés, de marc de café et d’une plume façonnée avec une pièce de monnaie de cuivre, il avait réussi à écrire sa biographie, qui, publiée au moment où le sort de Dupleix était

  1. Mme de La Bourdonnais s’embarqua sur un navire portugais avec la plus grande partie de ses valeurs et arriva saine et sauve à Lisbonne, d’où elle se rendit à Paris.
  2. Il n’y avait que les Directeurs de la Compagnie des Indes-Orientales et le Conseil de Madras qui eussent le pouvoir de prouver l’accusation de prévarication. L’une et l’autre préférèrent garder le silence.