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TERGIVERSATIONS DE LA BOURDONNAIS

s’attacher d’autant plus sérieusement à l’autre. Le lendemain de cet échange de lettres, La Bourdonnais profita d’une brise favorable pour aller à la recherche de l’escadre anglaise. Il arriva le 13 août devant Karical et obtint, non sans difficulté, des renseignements positifs sur l’ennemi. On avait aperçu six de ses vaisseaux, à environ quinze milles de la côte, dans la direction du Nord de Ceylan. Ils avaient répondu à l’officier hollandais qui était monté à bord, qu’ils avaient été repoussés par les Français, mais que toutes leurs avaries ayant été réparées, ils n’attendaient que l’arrivée des renforts pour renouveler l’attaque. Certain, uéclara-t-il, qu’il n’avait rien à craindre de ce côté, La Bourdonnais résolut de retourner à Pondichéry, d’y embarquer le 19 les soldats, les cipayes et les autres troupes qui l’attendaient, puis d’accomplir immédiatement le grand dessein formé contre Madras. Il ajoutait, dans sa lettre, que sa santé étant considérablement affaiblie, il ne consentirait pas, même au prix de l’Inde tout entière, à demeurer sur la côte après le 15 octobre, époque où « la Mouçon règne. » Mais au lieu d’agir d’après ce plan qu’il avait communiqué à Dupleix par l’intermédiaire de M. Paradis, commandant de la garnison de Karical, La Bourdonnais, changeant soudain d’avis, se mit à la recherche des Anglais. Il les trouva devant Négapatam et chercha à engager le combat ; mais, quoiqu’il eût hissé les couleurs hollandaises pour les tromper, ils s’enfuirent devant lui, de manière, dit-il, à être bientôt hors de vue[1]. Dans la pensée qu’ils reviendraient peut-être à Négapatam, il les y attendit deux jours ; mais, ne les rencontrant pas, il remit à la voile et mouilla devant Pondichéry dans la soirée du 25.

La fuite des Anglais et l’incertitude sur leur destination changèrent complètement les vues de La Bourdonnais. Le 14, sachant que la flotte anglaise attendait des renforts devant Négapatam, il s’était dit prêt à gagner Madras sans perdre de temps, et voilà que

  1. M. Orme avance que les Anglais évitèrent l’engagement parce qu’ils avaient aperçu le supplément de canons reçus de Pondichéry. M. Mill fait simplement remarquer qu’ils prirent la fuite. La raison donnée par M. Orme ne paraîtrait suffisante, croyons-nous, à aucun amiral de nos jours ; les navires anglais étant pour la plupart armés de pièces de vingt-quatre, tandis que les Français n’avaient pris à bord que vingt-huit canons de dix-huit et d’autres d’un moindre calibre.