Quoiqu’il fut maintenant pourvu de canons, de munitions, de vivres et d’hommes[1]. La Bourdonnais ne se décidait pas à mettre à la voile. L’idée que la flotte anglaise pouvait bien se tenir hors de vue, attendant des renforts d’Europe, pour ensuite le surprendre dans une situation défavorable devant Madras, sembla d’abord le préoccuper vivement. Pour obvier à ce danger et attirer les Anglais à portée de combattre, il proposa, le 10 août, de diriger un corps de troupes sur Cuddalore, à quatre lieues Sud de Pondichéry pour attaquer le fort Saint-David, bâti dans le voisinage par les Anglais. Si la flotte se disposait à défendre ce fort, c’est contre elle qu’il tournerait ses coups ; mais si elle demeurait neutre, il en conclurait qu’elle avait beaucoup souffert dans la dernière action et il s’emparerait sans difficulté du fort Saint-David[2].
Dupleix protesta énergiquement contre ce plan, mis en balance avec l’attaque, méditée depuis si longtemps, sur Madras : « Cuddalore et le fort Saint-David ne valent pas la poudre et le plomb qu’ils vous coûteront. » Il faisait remarquer que leur capture rangerait probablement le nabab du côté des Anglais, ce qui sauverait Madras. « Cette entreprise contre Madraz, ajoute-t-il, est la seule qui puisse nous indemniser et honorer notre nation dans l’Inde, et je ne puis approuver votre plan d’abandonner ce projet pour un autre qui ne mérite ni votre attention ni la mienne et dont les conséquences seront ruineuses et honteuses pour nous. » Et il continuait à lui développer longuement les deux principaux motifs qui l’avaient amené dans l’Inde : la destruction de la flotte anglaise, et la prise de Madras ; abandonnant l’une de ces entreprises, il devait
- ↑ Les renforts fournis par Pondichéry se composaient de deux cents Européens, cent topas ou Indo-Portugais, trois cents Cipayes, outre les ofriciers, les lascars, plus cent soixante-dix matelots et cinquante soldats européens appartenant à la garnison et servant déjà sur la flotte.
- ↑ C’est dans cette lettre que La Rourdonnais informe Dupleix de la maladie qui s’est déclarée à hord de son escadre, maladie attribuée à l’usage de l’eau prise à Pondichéry, et dont il était lui-même gravement atteint. Dans ses Mémoires il en fait un grief contre Dupleix, insinuant que cela entrait dans un plan général de vexations à son égard.
mandes, je suis prêt à vous remettre vingt-huit pièces de dix-huit, douze de douze et vingt-deux de huit, et à remplacer les canons qui ne sont que peu endommagés et pourront, après réparation, être remis en état de servir. Ces canons feront un grand vide, mais la parole que vous me donnez de me les rendre et la certitude morale que j’ai de votre victoire sur l’ennemi me permettent de dégarnir ainsi nos murs, avec moins d’inquiétude. »
(M. Dupleix à M. de La Bourdonnais, 20 juillet 1716.)