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Toute la curiosité, il est vrai, dans le cas d’aujourd’hui, porte sur l’interprétation, mais en parler, impossible sans la confronter au concept.

L’acteur mène ce discours[1].

À lui seul, par divination, maîtrise incomparable des moyens et aussi une foi de lettré en la toujours certaine et mystérieuse beauté du rôle, il a su conjurer je ne sais quel maléfice comme insinué dans l’air de cette imposante représentation. Non, je ne blâme rien à la plantation du magnifique site ni au port somptueux de costumes, encore que selon la manie érudite d’à-présent, cela date, trop à coup sûr ; et que le choix exact de l’époque Renaissance spirituellement embrumée d’un rien de fourrures septentrionales, ôte du recul légendaire primitif, changeant par exemple les personnages en contemporains du dramaturge : Hamlet, lui, évite ce tort, dans sa traditionnelle presque nudité sombre un peu à la Goya. L’œuvre de Shakespeare est si bien façonnée selon le seul théâtre de notre esprit, prototype du reste, qu’elle s’accommode de la mise en scène

  1. ou M Mounet-Sully (octobre 1886)