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gner. Mal m’en a pris ; on sait le reste et comment c’est en fuyant la patrie que dorénavant il faudra satisfaire de beau notre âme.

Voilà, c’est fini, pour des ans…

Que de sottises et notamment au sens politique envahissant tout, si bien que j’en parle ! d’avoir perdu une occasion exclusive, tombée des nuages et sur quoi s’abattre furieusement paraissait élémentaire, nous, de manifester à une nation hostile la courtoisie qui déjoue de hargneux faits divers ; quand il s’agissait d’en saluer le Génie dans son aveuglante gloire.

Tous, nous voici de nouveau, quiconque recherche le culte d’un art en rapport avec le temps (encore qu’à mon avis celui d’Allemagne accuse de la bâtardise pompeuse et délicate), obligés de prendre, matériellement, le chemin de l’étranger, non sans ce déplaisir trouvé par l’instinct simple de l’artiste à quitter le sol du pays, dès qu’il y a lieu de s’abreuver à un jaillissement voulu par sa soif.

Un de ces soirs manqués d’initiation et de joie j’ouvrais, par quelque bonne compensation, le radieux écrit [[sc|le Forgeron}} pour y apprendre de solitaires vérités.

Que tout poëme composé sinon pour obéir au vieux génie du vers, n’en est pas un… On a pu, antérieurement à l’invitation de la rime ici extraordinaire parce qu’elle ne fait qu’un avec l’alexandrin qui, dans ses poses et la multiplicité de son jeu, semble par elle dévoré tout entier comme si cette fulgurante cause de délice y triomphait jusqu’à la première de ses syllabes ; avant le heurt d’aile initial et l’emportement, on a pu, cela est même l’occupation de chaque jour, posséder et établir une notion du concept à traiter, mais indéniablement pour l’oublier dans sa façon ordinaire et se livrer ensuite à la seule dialectique du Vers. Lui, par lui seul en dieu jaloux auquel le songeur céda la maî-