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qu’est une fête parisienne de l’esprit, m’en impose : malheureusement, dans le cas de ce si singulier Francillon, il faudra que retombe la toile.

Je m’explique.

Tandis que va le triomphe de cette soirée, une première représentation pour de nouveaux venus toujours, avec son jeu de surprise ! j’entends regretter précisment que la curiosité, une heure durant, se suspende (comme si c’était trop pour l’intérêt que vaut une honnêteté de femme) à la question si l’héroïne s’est fait elle-même justice ou pas. Moi je juge que pour peu qu’un artifice permît à la comédie de durer l’éternité, elle y gagnerait de devenir probante, puisque visée il y a : attendu que tout dénouement obligatoire de théâtre, comme celui qui survient ici, ne peut qu’infirmer le paradoxe.

Malheureusement, je le redis, le rideau tombera ; et descend avec quelque rire dans ses plis relativement à la validité de la thèse qui oppose l’adultère de la femme au manquement chez l’homme.

Loin que j’incrimine le moraliste demandant à la rampe la mise en lumière d’un principe, erroné ou juste, par des personnages contemporains, de s’être servi en véritable homme du métier, simplement et loyalement d’un moyen authentique de théâtre, comme qui dirait un tour ou une jonglerie (tout l’Art en est là !) lequel consiste à feindre son avis prouvé par un fait demeuré hypothétique, le plus de temps que la disposition des spectateurs le permet, pour suggérer cependant à l’esprit des conclusions qui seraient exactes en supposant que le fait sur quoi tout repose fût vrai. Quoi de plus conforme à la loi de Fiction : c’est, par son emploi judicieux, créer de beaux ou salutaires sentiments avec rien dans la main, leur gagnant le temps de prendre possession de vous ; mais pourvu que ce néant ne s’avère pas,