Page:Mallarmé - Notes sur le théâtre.djvu/20

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

seulement en se dérobant, la Courtisane[1]. Ambiguité et charme : à peine se demande-t-on si c’est la brute représentation d’un fait, qu’on voit là ou la mise au point du sens de ce fait. La pièce du vivace poëte abonde, du fait de l’archaïsme, en des visions qui, moins que celle-là peut-être car je la tiens pour unique, s’imposent : et je voudrais de celle-là et d’autres citer, pour les parfaire, l’accompagnement ou des tirades développant comme un rire vaste envolé haut, mais je manque d’une belle mémoire. Le vers pleine voix, viril, lancé par M. Richepin séduit comme strictement théâtral attendu qu’il s’adapte par l’alliage de sa rhétorique d’images et d’une superbe verve instinctive précisément au site de toiles peintes sous des lumières, le décor, ainsi qu’à ce naturel instrument, l’acteur, qui composent de part et d’autre l’état actuel de l’art.

Bravo ! c’est fête d’amateurs, plus ingénue que toutes par son recours avéré aux vieux jours : or n’entendez-vous pas, cependant et non loin, ce lavage grande eau musical du Temple, qu’effectue, devant ma stupeur, l’orchestre avec ses déluges de gloire ou de tristesse déversés en un fleuve ininterrompu et dont la Danseuse restaurée mais encore invisible à de préparatoires cérémonies, me semble la mouvante écume demeurée et suprême.

Stéphane Mallarmé
  1. Au 3e acte, Rôle de en Raffa.