Page:Mallarmé - Notes sur le théâtre.djvu/2

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

. . . . . . . . . .

[1] Et cependant, enfant servé de gloire,

Tu sens courir par la nuit dérisoire,
Sur ton front pâle aussi blanc que du lait,
Le vent qui fait voler ta plume noire
Et te caresse, Hamlet, ô jeune Hamlet !


L’adolescent évanoui de nous aux commencements de la vie et qui hantera les esprits hauts et pensifs par le deuil qu’il se plaît à porter, je le reconnais, qui se débat sous le mal d’apparaître ; or c’est parce qu’Hamlet extériorise, sur des planches, ce personnage unique d’une tragédie intime et occulte, que son nom même affiché exerce sur moi, sur toi qui le lis, une fascination parente de l’angoisse.

Aussi je sais gré aux hasards qui, contemplateur dérangé de la vision imaginative du théâtre de nuées et de la vérité pour en revenir à quelques scène humaine, me présentent, comme thème initial de causerie, la pièce que je crois celle par excellence ; tandis qu’il y avait lieu d’offusquer aisément des regards trop vite déshabitués de l’horizon pourpre, violet, rose et toujours or.

Le commerce de ces cieux où je m’identifiai cesse, mais sans qu’une incarnation brutale contemporaine occupe, sur leur paravent de gloire, ma place tôt renoncée : ce ne sont plus les splendeurs d’un holocauste d’année élargi à tous les temps pour que ne s’en juxtapose à personne le sacre vain, mais voici le seigneur latent qui ne peut devenir, juvénile ombre de tous, ainsi

  1. Théodore de Banville : Les Caprices en dizains à la manière de Clément Marot (XVIII, Hamlet). — Les Cariatides.