Page:Mallarmé - Les Poèmes d’Edgar Poe, maquette, 1888.djvu/209

Cette page n’a pas encore été corrigée

minuit. Ici ! où des dames de Rome agitaient au vent leur chevelure dorée, maintenant s’agite le chardon et l’ajonc. Ici ! où le monarque s’inclinait sur un trône en or, glisse, comme un spectre, vers sa demeure de marbre, par la faible lumière des cornes de la lune éclairé, le silencieux et vil lézard des pierres.

Mais reste ? Ces murs — ces arcades de lierre vêtues — ces plinthes croulantes — ces fûts tristes et noircis — ces entablements vagues — ces frises émiettées — ces corniches en morceaux — ce naufrage — cette ruine — ces pierres, hélas ! ces pierres grises, est-ce là, de ce qui fut le fameux et colossal, tout ce qu’à la destinée et à moi ont laissé les corrosives Heures.

« Pas tout » me répondirent les Échos — « pas tout ! » Sons prophétiques et forts, montez à jamais de nous et de toute ruine, vers. le sage ; comme la mélodie de Memnon vers le Soleil. Nous régnons sur les cœurs des plus puissants des hommes — nous exerçons un despotique empire, sur les esprits géants. Nous ne sommes pas impuissantes, nous passives pierres. Non, notre pouvoir n’est point parti — pas toute notre célébrité — pas toute la magie de notre haut renom — pas toute la merveille qui nous ceint — pas tous les mystères qui gisent en nous — pas toutes les réminiscences qui se suspendent et s’attachent à nous comme un vêtement, nous habillant d’une robe en plus que de la gloire.