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comme le mot signifiait encore le Ciel visible avec ses nuages et ses vapeurs, quelques-unes des phrases qui parlaient des variations du firmament, en vinrent à indiquer, quand leur signification s’oblitéra, des actions viles ou honteuses. Exemple : on avait présenté la Terre comme la fiancée du Ciel, et dit du Ciel qu’il couvait la Terre de son amour dans tout pays ; or tout ceci, désignant par la suite une déité à passions et à forme humaines, s’accrut des faits étranges d’une licence effrenée. Cette conclusion est justifiée par la poésie grecque de temps avancés, et y puise une force nouvelle. Par cela même que, dans Hésiode, la descente des dieux sur terre, leurs amours terrestres et leurs actes grossiers acquièrent un relief plus grand, le poète peut se détourner de telles hontes, plus vivement, vers la pensée de ce Zeus pur et sacré qui regarde du haut des cieux pour voir si les hommes pratiquent la justice et s’inquiètent de la divinité. Les chantres et les philosophes d’un âge plus avancé ont bien senti ce contraste. Aux yeux de quelques-uns, la pensée que les dieux doivent être bons semblait une raison suffisante pour ne pas croire toutes ces histoires qui en discréditaient la sainteté ; chez d’autres, pareils contes servaient à réfuter la divinité des dieux, ainsi que dit Euripide : « Si les dieux ne font rien d’inconvenant, c’est alors qu’ils ne sont plus dieux du tout. »

Mais plusieurs chez les anciens demeurèrent satisfaits de savoir que Zeus était un pur nom, à la faveur de quoi il leur fût possible de parler de la divinité, inscrite au fond de notre être ; nom incapable absolument d’en exprimer (comme l’était l’esprit de la concevoir) l’infinie perfection. Zeus (fig. 26) était pour eux le représentant