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eux comme un mets d’un repas. Zeus rendit Pélops à la vie, et condamna Tantale à contempler de beaux fruits auxquels il ne pouvait pas toucher, et des eaux claires qu’il ne pouvait goûter : s’il avançait la main pour prendre le fruit, les branches s’évanouissaient, et un vaste rocher paraissant au-dessus de sa tête, menaçait de l’écraser et de le réduire en poussière. Voilà une des légendes grecques les plus transparentes. Le palais de Tantale n’est autre chose que la maison d’or d’Hélios, d’où s’élance aussi Phaéthon, dans sa course infortunée. Sa sagesse est la sagesse de Phoïbos, d’Œdipe et d’Odyssée (l’Ulysse latin). Les rapports fréquents avec Zeus représentent les visites d’Hélios aux hauteurs du ciel. Le vol du nectar et de l’ambroisie répond au vol du feu par Prométhée, et l’abondance dont Tantale comble le peuple est la richesse que la chaleur du soleil fait sortir de la terre. Comme le soleil, sa chaleur devenue trop forte, brûle les fruits, et les hommes, dans le mal de la sécheresse, dirent : « Tantale tue et rôtit son propre enfant ». Pélops rendu à la vie, voilà l’action de la vertu puissante qui rend à la terre la fraîcheur après des temps arides : elle se trouve aux mains d’Asclépios et de Médée. La sentence édictée contre Tantale se rapporte parfaitement à la même idée : quand l’infortuné se penche pour boire l’eau et manger les fruits qui l’environnent, c’est la dessiccation des cours d’eau et les herbages flétris sous les violents rayons du soleil. Le rocher qui va écraser le dieu représente la sombre nuit d’orage qui s’appesantit comme le sphinx au-dessus de la terre, ou la menace à la façon de Polyphème et d’Odyssée. Et comme la terre est brûlée à proportion que le soleil semble s’y abaisser, l’expression « souffrir comme Tantale »