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Hermès y consentit, lui qui aussi enviait la sagesse et le savoir cachés d’Apollon, car Phoïbos voit tout jusqu’aux abîmes les plus profonds de la verte mer ; il promit de donner la lyre, en retour de cette sagesse qui peut suavement discourir de toutes choses et bannir tout mal et tout souci. « Prenez la lyre, dit-il, car vous saurez vous en servir ; mais à ceux qui y touchent, sans savoir en tirer le langage qui convient, elle est capable de faire débiter d’étranges non-sens, divaguant alors ou n’exhalant que des gémissements incertains. » Cet échange ne se fit qu’en partie. Il n’était pas au pouvoir de Phoïbos de révéler le secret célé des ans, mais tout ce qu’il put donner à Hermès, il le donna. Il lui mit dans les mains une verge étincelante ; et, lui attribuant la haute charge de garder les troupeaux et le grand bétail, ordonna qu’il visitât, dans leurs vallons cachés et dans leurs cavernes, les Thriaï aux têtes chenues, qui lui enseigneraient des secrets soustraits à tous les mortels. Hermès, en retour, promit de ne jamais endommager le temple de Phoïbos à Delphes. Comment expliquer cette étrange histoire ! Voici : nous trouvons, la comparant à de vieux contes hindous ou védiques, que le nom d’Hermès appartient à la même racine que celui de Saramâ, et que celui de Saramâ est l’aurore lorsqu’elle rampe par le ciel, regardant partout avec curiosité si elle ne voit pas les vaches brillantes (ou nuages), volées par la nuit et par elle cachées dans ses cavernes secrètes. Ce nom de Saramâ se retrouve enfin sous une autre forme : il est prouvé que c’est le même nom qu’Hélène, ravie par Pâris de Sparte. Le mot vient de la racine sar, qui veut dire ramper, et reparaît dans les noms d’Érinnys (la Saranyu védique) et de Sarpédon,