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que chez plusieurs de nos poëtes par un style égal au leur : le collectionneur se procurant les mots brillants et vrais et les maniant avec même prodigalité et même tact que des objets précieux, extraits de fouilles. Calepins rapportés et tard vidés : ou que sur une feuille de papier proche du testament, un passé ait à ce point surgi devant une mémoire, la biographie n’ose préciser de genèse à ces écrits ; et son étonnement, dans un cas comme dans l’autre, croîtrait. Toujours est-il que pareille œuvre dont la date secrète hésite du début à la fin d’une vie, suffit à l’honorer tout entière comme ayant, même sans le tome principal qui relève du français, prêté âme à l’un des écrivains de l’Angleterre. Le 2 mai 1844, ses yeux d’entre les trésors de la pensée ou de la maind’œuvre humaine levés souvent sur de vastes fenêtres et ayant vu près du quart d’un siècle et une moitié de l’autre ramener au même paysage leurs saisons, les ferme ce gentleman extraordinaire ; abstraction faite du talent, figure égale à celle de Brummel : quoique sur le dandy fascinateur de l’époque l’emporte peut-être l’amateur Beckford, à cause de son faste solitaire. À vous, lecteur, mais sans les mille fables et l’absurde, se montre, rattachée presque toute ici à l’écrit imaginatif en jeu comme par l’instinct contemporain elle le fut, l’existence de celui qu’on appela jusqu’au dernier jour l’Auteur de Vathek.