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LIVRE PREMIER Élément gothique ou Anglo-Saxon Aperçu Analyser le double élément jusque maintenant entrevu de l’Anglais, ce semble, avant tout, la tâche par quoi commencer. Au premier coup-d’œil et sans l’initiation historique (car cette dernière n’a vraiment eu d’autre but que d’habituer le Lecteur aux sujets traités par les trois livres de la Philologie mais strictement pourrait ne point y apparaître) se reconnaît l’un et l’autre des langages, maintenant si admirablement mêlés ensemble. Quelques erreurs, cependant, attendent le novice; ou ceci dit quelques surprises. Sans parler de mots, anglais d’apparence (à jurer qu’ils le sont) mais d’origine française, il y a une autre classe de vocables ayant tout l’air de nous appartenir, tels que block qui serait bloc, blue, bleu, brand, brand {on), to hail (saluer), héler, to hap (advenir), happer, to mark, marquer, to roll, rouler, to roast, rôtir, etc. Point; l’Anglais et nous, les avons pris à une source commune, celle germanique, qui ne laisse pas que de fournir au Français un vocabulaire assez nombreux : ce sont les mêmes mots indéniablement, mais surgis, chacun par sa propre vertu, dans deux langues destinées à s’unir. Cette observation faite, oui, l’on peut (à quelques exceptions près) discerner au regard seul le trésor original de l’Anglais. Des mots courts ordinairement, riches en consonnes et en diphtongues disposées autrement que dans les langues néo-latines; que ces termes appartiennent au fonds anglo-saxon constitutif de la langue, aux rameaux collatéraux, danois ou irlandais, écossais, hollandais ou flamand; enfin aux dialectes anciens de l’intérieur, dont l’Écossais. Semblable diversité de provenance ne peut recevoir de sanction dans une dissertation aussi rapide que la précédente; et chaque fois qu’il sera dressé un tableau de vocables avant tout certainement germaniques, ce sera sans aucune distinction faite entre ces frères d’aujourd’hui, d’hier, ou d’avant-hier. Le dépôt celte ne laisse pas que d’éparpiller beaucoup de sa vieille abondance ici et là : à cause de ce fait d’abord, que des mots celtes se sont si parfaitement amalgamés à l'Anglo-Saxon, qu’ils roulent perdus dans l’ensemble de cette vaste couche, ou tout au moins pareils au reste. La création linguistique, où je cherche à retrouver un ordre mystérieux.