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tantôt précédé et dégagé toujours cette lente élimination de tout aboutissant au Costume collant, lequel triomphe et fera de vous, Mesdames, plus ou moins des nymphes élancées de Jean Goujon. Non : pas de pouff, c’est-à-dire que s’évanouit tout ce qui fut seulement le retroussis, et la tunique enfin; et qu’au tablier tout uni, tout tendu qu’il demeure et tout sobre sauf un seul nœud en bas, succéderont, en effet, des ceintures nouées très-bas de même, deux à chaque hanche moulées, dont la fonction est de porter le devant de la robe. Mais la robe ? elle se garnit; or tous les ornements ordinaires, c’est les ruchés, c’est les plissés, c’est les volants s’étageant dans une ascension délicieuse vers le haut de la jupe : et elle se dégarnit, ou devant ou derrière, finissant par faire descendre le corsage très-au-dessous de la taille (pour ne point demander ses mots techniques à la statuaire). Couronnement enfin, ou couronne! car les marabouts plus que jamais mêlent leur vapeur épaisse à l’éclat des cheveux, la plume, qui semble vouloir effacer sous son fol envahissement léger, le jais étincelant et dur : mais, s’adjoignît-elle la fourrure! ainsi que cela a lieu (la plume, disposée en guirlandes, et la fourrure quittant les bords pour s’étaler dorénavant sur l’étoffe en larges bandes), ni l’une ni l’autre ne parviendra encore à bannir ce rival. Cuirasses, armures, etc., tout cet attirail, défensif et charmant, mêlé pour longtemps au costume féminin, ne laissera pas le jais partir avec ses scintillations d’acier, non plus que l’acier lui-même. Tout en faisant la part riche aux plumes : naturelles, de eoq, de paon, de faisan et, teintes parfois en bleu et en rose, d’autruche, nous avons jusqu’à présent cru (ici nos prévisions diffèrent même de constatations faites par d’autres) qu’à l’égal de l’hiver durera la paillette, ou verroterie ou métal. Une seule preuve, je n’en veux qu’une, mais absolue; et je la demande à la toilette admirable que portait, pas plus tard qu’il y a quelques jours, la Parisienne par excellence : car elle le fut à l’étranger autant qu’elle l’est maintenant dans son hôtel du Bois de Boulogne, Madame Ratazzi, reine toujours acclamée de la Mode. « Je viens de vous donner le décor » : nous dit un charmant billet marqué à des initiales très-connues (ô malheur! de ne pouvoir copier ici toute cette description d’un magique appartement, mais passons à la magicienne!) « et le costume de la princesse, le voici. Une robe, traînante et collante, en dentelle noire, semée bizarrement d’acier bleu à reflets d’épée : puis dans les cheveux relevés en diadème, quatre rangs d’énormes diamants mêlés à leur ombre, perdus dans la noire splendeur. » Quelle vision miraculeuse, tableau à y songer plus encore