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porains du vaudeville et de sa langue misérable, Madame Saqui, dépouillant parmi l’étiier du firmament une robe grossière de mendiant, pour y paraître comme un génie étincelant, nu et satisfait. Oui, quand donc le pédantisme théâtral (car il existe en dépit des efforts faits pour le cacher ici-même par de prodigieux interprètes, et Favart, et Got, Coquelin, Fèvrc et Bcrton!) tombera-t-il, loque absurde et vaine, dédaignée enfin par l’habileté souple, vraie, brillante, parvenue à scs hauteurs! Je veux bien admettre, trois minutes, le trope consacré tout à l’heure à la critique : il y a, soit! ceux qui s’aventurent d’un pas certain, un feu pur aux pommettes et du blanc à la semelle, sur un câble tendu (et Scribe n’en est point) ; mais que dire de ces autres qui s’amusent d’abord à l’effiler, ce câble, en mille brins subtils, rets tout au plus propres à ne pas prendre des idées, puis, cette tâche accomplie, ne font rien de tant de ficelles? A cela, s’amusent un peu les auteurs de Gilberte, MM. Deslandcs et Gondinet, ccs habiles : et il faut voir leur pièce, ne serait-ce que pour sc convaincre qu’elle ne fût jamais, mais que les toilettes trop tôt emportées par Mademoiselle Delaporte au fond de la Russie non sans l’écho d’applaudissements fous, et les toilettes de Mesdames Fromentin, Helmont, Angelo, étaient faites pour durer presque un hiver; car, dans ce monde paradoxal du théâtre, où toute l’histoire d’un empire peut durer le temps d’un vers bien dit, on voit une simple robe affronter des saisons. Voilà deux des succès de l’heure, et l’on pourrait dire indifféremment deux Premières ou bien deux reprises, soit que l’on songe à l’éclat parisien de la salle ici et là, ou encore au manque égal de nouveauté dans les situations développées par une pièce et par l’autre. Cependant, je ne lâche point les métaphores, quand elles sont mauvaises ! on a eu la corde et on a le reste; je veux l’étoupe, chère aux pitres qui, dans leurs joues héroïques, l’enflamment et du vent de l’inspiration la rejettent en fumée : sachant que ce n’est là que les ficelles clles-mcmes, défaites et vaines. Vite! la farce simple et joyeuse des tréteaux composée dans un langage parfait, pour nous faire oublier la Comédie bourgeoise et moderne, qui n’a lieu que si elle n’est pas bourgeoise et que si elle est de tous les temps : est-il meme nécessaire qu’elle existe en tant que comédie! Saluons le Tricorne enchanté, cette merveille de belles rimes et de verve, que reprend l’Odéon à côté de V École des Maris, afin d’enfermer entre ccs deux chefs-d’œuvre durables, exquis, la reprise vieillotte, pâle et comme évaporée du Célibataire et V Homme m«rzé,, comédie bourgeoise, par Wafflart et Fulgence : soit! mais exhumée, elle, cinquante ans après, c’est-à-dire à l’heure où ce genre inconnu de Racine et d’Eschyle com-