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toute chose, à ces hôtes nos quatre ou nos mille murs. A notre Théâtre, glorieux ou absurde, cet honneur de métamorphoser ceux qui n’avaient pas vu ni ceux qui ont vu maintenant, quoi ? la Fille de Aime Angot, avec un ténor jeune et une salle neuve : la voix de l’un, allant retrouver au balcon, aux loges, au plafond et parmi le lustre, l’or partout prodigué, pour lequel elle est faite la voix des ténors. Toutefois l’existence ordinaire suit déjà son cours; des noms que les gazettes de la Mer et des Sources inscrivaient sur des listes, mêlés aux titres de personnages lointains et singuliers, se font voir, purs de cette alliance à leur place habituelle : les comptes rendus crayonnés des premières représentations. Et c’est maintenant, hélas! qu’il nous faut nous arrêter, car non seulement la Chronique de ce Journal, mais le Journal tout entier, y passeraient, s’il s’agissait de dire les soirs de ces derniers jours, qui sont redevenus des soirées. Un Mois et plus encore était derrière nous, avec son vaste rien qu’il fallait raconter : car comment, sans faire cela d’abord et sans remettre enfin à la quinzaine future le tableau de ce qui poind aujourd’hui et brillera alors d’un éclat très-vif, rattacher nos paroles de maintenant à l’écho d’une causerie lointaine, en même temps qu’à celles de bientôt; et pour la première fois, prendre date ? Tout le passé, cette fois; pour l’autre, le présent, mêlé à l’avenir : le Théâtre des vacances qu’on vient de lire; puis celui de la rentrée, annoncé déjà par notre Gazette et Programme. Tel, notre plan, réglé encore sur cette page même où l’on nous lit, ses marges et ses médaillons de jeunes demoiselles. C’est tout cela seul, beaucoup plus que la prolongation de la grande villégiature, qui me force à attendre que reviennent définitivement, non plus même de cette émigration suprême et charmante de la mode, pendant une semaine, vers la lame plus tiède de Biarritz, mais de leurs châteaux, les dames, occupées à enluminer, dorer et blasonner le vélin blanc du papier à lettre de l’hiver, ce qui est, à cette fin de l’été de 1874, comme encore de diriger le canon de mignons fusils vers les allées de bois seigneuriaux où passera le daim, le grand passe-temps aristocratique de mains ayant manqué partout, aux Français, à l’Opéra-Comique, à la Porte Saint-Martin, à l’Ambigu, au Château d’Eau, et (quand elles tourneront ce feuillet) à Cluny ou aux Tsiganes hongrois des Folies-Bergères, l’occasion d’applaudir du bout de leurs doigts gantés, ou avec l’éventail à des choses bonnes et moins bonnes. Point de regrets (causés par le simple retard de cette Chronique) que ne dépasserait, certes, et de tout un monde !