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Objet d’une gaîté sans borne et non l’un des faits les moins paradoxaux delà comédie de cet univers! que connaissent-ils, ces Nomades, hommes et femmes, même une fois leur voile blanc relevé, pour s’enrouler autour de leur chapeau, comme une tente portative et légère ou leurs lorgnettes, souvenir du pâtre astronome de la Chaldée, remises soigneusement dans leur étui de cuir : oui, que connaissent-ils de Paris, nous absents ? Désespérés d’avoir tout un jour erre sur l’asphalte abandonnée, et se demandant si vraiment il n’y a pas de notre part dans ce fait de nous exiler à l’heure exacte de leur venue, quelque chose de cet esprit parisien, qu’ils sont condamnés à ne pas savoir, voici, hélas! que le soir, tous se retrouvent encore dans la salle d’un théâtre rebelle à la clôture, parmi l’attente que cause son rideau baissé. Surprise! le rideau se lève, pour la centième fois, mais il se lève devant des yeux tout de suite gagnés par les larmes ou frappés par un éblouissement. C’est les Deux Orphelines au Châtelet; c’est le Pied de Mouton à la Porte Saint-Martin qui consentent à faire durer leur succès exempt de vieillesse. Mais la gracieuseté absolue et conforme au Maestro qui, célèbre à Paris comme aux confins des terres, arrive à ne pas faire de différence entre les fils d’aucune race, la voici, toutefois, totale, incomparable : dans le Royaume de Neptune, troisième acte nouveau d’Orphée aux Enfers. Une Première, dédiée au public cosmopolite, et dont nous tous, émerveillés par le récit d’un journal venu demain de l’Amérique du Sud, mais dépités et furieux, nous voudrons voir, l’un après l’autre, la splendeur perpétuée jusqu’à la moitié de l’hiver. Jamais ils n’ont fermé, eux non plus ces endroits nobles, l’Opéra, avec son Esclave de la veille et ses chefs-d’œuvre de toujours : le Théâtre Français, où se donna Polyeucte, pour montrer qu’en face des efforts du drame contemporain, il y a les réussites éternelles et où, après Corneille, se reprend Voltaire, pour montrer Mademoiselle Sarah Bernhardt, qui fut Zaïre clle-mcme, et Mounct Sully. Toute la pureté du goût français et notre vieux sublime, les Etrangers, grâce à cette coutume, l’emportent chaque année comme un trésor traditionnel et local; et cette autre chose, le seul vrai rire, sonore, jeune, entier, du seul théâtre qui ne dédaigne pas de faire la parade à la porte de Molière, sachant qu’apres sa Comédie, il n’y a que la Farce, appelée indifféremment la Sensitive, Bobinette ou les Jocrisses de l'Amour, etc... le répertoire de ces vacances au Palais-Royal. Qu’ils partent, maintenant, les étrangers, qui ne sont plus des étrangers, dénués de toute inquiétude relative à cette mystification : Paris sans son esprit, c’est-à-dire sans Parisiens; et revenons à notre foyer, nous, sans le remords d’une hospitalité bizarre qui consisterait à laisser, pour