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son. — Légumes du pays. — Glace pralinée aux amandes fraîches. — Dessert. — Vins : Vin de Saint-Bris, Vins de Nuits, Leoville, Haut-Brion. Le Chef de bouche chez Brébant. Deuxième feuillet. Une Corbeille de Jardin au mois d’aout Une corbeille d’Août! désir dont l’exécution paraît difficile. Le soleil, qui a fait fleurir le jardin, l’a fané. Que faire ? Ceci : simplement profiter de la couleur même et des défauts de la saison pour en revêtir les parterres. Idée, très-juste, et très-exacte, qui n’était venue à personne avant d’être mise en pratique par le Jardinier de la Ville de Paris. Une vraie corbeille de plein été sera celle qui tirera de la nature même, de ses plantes, l’aspect poudreux, vaincu et pâli par la chaleur, que doit avoir toute chose à cet instant. Tel, ce que révèle la première plate-bande à droite, à qui entre au Parc par l’Avenue de la Reine-Hortense. La lassitude entière de l’heure est exprimée par la Cen-taurea Candidissima, feuillage pâle et mat, presque blanchi de poussière, et négligemment le même sur ses deux faces chiffonnées. Tout l’effet de la corbeille se passe entre cette plante et une autre : l’Obelia erineus, qui, sèche et délicate, elle, avec ses fleurettes d’un bleu dur, va, par des interstices, de la bordure ovale se perdre vers le sommet du tertre. Ton principal : terne; le raviver maintenant. Quelques taches, brusquement et simplement rouges et de feu, sont nécessaires : voici le Pélargonium Diogène (rouge), dont les cinq pétales, consumées et un peu défaites {sic), font aussi place à la feuille décorative du Coleus Beauté de Vilemore, vineuse et verte et comme atteinte déjà par l’automne. Tout cela, jeté sans un dessin précis, rencontre une harmonie qui se fait toute seule et brave, habilement parée de leur teinte même, les midis et les après-midis d’août. Le grand soleil de Touraine ou de Provence, sous quel ciel français qu’on se plaise à reproduire ce motif d’horticulture, lui sied : près d’une balustrade de pierre sèche ou d’un perron, au milieu d’un gazon anglais, si l’on veut une opposition avec la fraîcheur. Quatre plantes presque ordinaires (car la plate-bande atteint, selon la grandeur, le prix d’un louis ou de deux) : et un aspect bizarre et nouveau dans nos jardins; entrevu déjà chez les Anglais, sans que toutefois l’impression en ait encore été, je crois, comme ici, expliquée. (Parc Monceau.)