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l’auguste nudité des sentiments antiques et leur délicatesse suave. Odes maintenant, à strophes et antistrophes, puis épodes de chœurs ajoutés à tout ce long hymne, l’un notamment dépeignant et imitant le passage épouvantable du Vent du Nord, composent une sublime musique de trompettes ou de flûte lente qui, longtemps après sa cessation, se mêle encore à la voix du personnage en scène et la soutient. Je signale aussi dans des proportions parfois presque inconnues, le silence : profond, divin, gisant dans l’âme des lecteurs; et d’où se détachent par moments tel vers de l’un à l’autre envoyé par un homme ou une femme puis des distiques ou des tercets, comme autant de motifs purs vibrent sur un fond d’émotion la plus subtile et la plus noble. A trop grands traits écrite et hâtive, telle (un peu) l’impression causée par l’ensemble. Quiconque ouvre un livre pour chanter au dedans de soi, le vrai lecteur de vers a, depuis dix ans, en Angleterre, comme avant ce temps, en France, il le fera, emprunté pour son âme le déploiement d’ailes de chacune des stances de l’œuvre lyrique de Swinburne. (les poèmes (indépendamment de tout ce qu’ils comportent d'humanité dans un sens supérieur) ont donc humainement satisfait à leur visée; en est-il de même des quatre drames : à savoir doivent-ils, eux, prendre vie sur les planches et au lustre et se communiquer par la scène, immédiatement, à un auditoire ? Question qui s’impose à l’esprit d’un Français, tout d’abord : car, chez nous, la grande lutte a été livrée et la victoire gagnée par le Poète de ce temps; elle l’est encore un peu chaque jour depuis Victor Hugo et le sera demain. Les maîtres en Angleterre, pudiques ou hautains, quoi ? mais réservés, ont à côté du tréteau triste qu’absout presque seul la longévité glorieuse de Shakespeare et de son groupe, créé tout un autre théâtre, extraordinaire aussi, fait des majestueux fantômes qui hantent l’esprit du siècle; mais dont on n’est le spectateur que chez soi, un tome ouvert où les yeux fermés. Shelley, Byron souvent et avec eux Bedos, d’autres (je ne nomme pas) ainsi que notre ami Horne, ont inauguré et entretenu cette fête idéale, à quoi parut d’abord voué l’œuvre dramatique de Swinburne : et si ce n’est pas douteux que plusieurs des vastes compositions dues à ces génies ou à leurs successeurs soient en état d’affronter le décor