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Assez ! Il faut apprendre par cœur le poëme entier : je ne me rappelle pas que cent vers offrent rien d’aussi désespérément automnal. Quant au Semeur, ce sont plusieurs stances qui peuvent, certainement, causer de la gloire à un poète. Pourquoi ai-je énoncé par excellence les vers précédents ? C’était d’autres qu’il fallait demander à mes réminiscences, aussi beaux et doués de non moins de magie. Il est clair que ceci nous dispense de continuer la fiction d’un arrêt littéraire que nous nous sommes plu à évoquer pendant un instant, afin que notre attitude s’accordât avec la solennité de l’acte par lequel, une première fois, le poète, disciple du grand maître Leconte de Lisle, réunit tout entier, son œuvre connu des amateurs. Quiconque a dans l’oreille l’écho, fier ou voilé, de ces quelques vers, admirera que nous ayons eu la constance de réserver pour le moment où elle devenait inutile, la sentence annoncée. La seule interrogation qui se dessine, maintenant, dans notre esprit a rapport à l’usage particulier que fera, dans la seconde saison poétique qu’il attend de sa belle inspiration, un confrère aimé. A quel genre seront empruntées les publications qui vont suivre celle-ci ? Composeront-elles une série conforme à la première ? Je doute qu’un talent auquel l’instinct accorde un ensemble congénial d’impressions, inaugure une destinée très différente de celle qu’il accepta d’abord. Ou l’avenir subira-t-il, comme un ébranlement durable, le choc de quelque circonstance accidentelle : l’Amour, dont la rare intervention apparaît, cependant, en ces pages ainsi qu’un autre fait personnel, à savoir sa participation (empreinte d’une grandeur poignante quand elle vient de cet homme détaché), aux malheurs récents du pays ? Il y a aussi cette présomption : que l’œuvre future admette, comme élément principal, le goût narratif qui semble, vers la fin du livre de jeunesse, s’installer à côté d’une ancienne manière, personnelle et emblématique. Quant à moi, je préférerais, devant cette perspective, qu’il n’y eût pas de changement au passé : car, auprès de ces grands types préférés, Adam, Jubal, Lazare, auxquels vient s’adjoindre parfois la figure elle-même du poète, des personnages, tirés du monde anecdotique,