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elle pouvait oublier Nala, les deux enfants, vivante image du héros, le lui rappelleraient sans cesse. Distraitement, elle écoute de nouveaux messagers qui s’en vont de tous côtés, visitant les palais, les cabanes, les ermitages: un d’eux, pourtant, raconte qu’il s’est entretenu avec le cocher du roi Ritouparna et que cet homme a paru s’émouvoir au nom de Nala. « Retourne dans la ville d’Ayodhya » précipitamment à ce courrier; et rattachée avec violence à un si faible indice : « Annonce qu’aura lieu bientôt un nouveau swayambara, pour la princesse Damayantî qui, ne sachant si Nala vit encore, veut choisir un époux. » Le Brahmane obéit. A la nouvelle Ritouparna fait appeler son chef d’écuries et demande s’il peut le conduire en vingt-quatre heures chez les Vidharbains. Le roi aspire à la main de la princesse et n’en fait pas mystère à Vahouka. « Nala ! Nala ! crie au cocher une voix pareille à celle qui l’appela dans la forêt embrasée; mais il doit rester sourd à ce nom, il se souvient de son engagement quand le serpent bleu, tiré par lui de l’incendie, le fit changer de formes, altérant en membres difformes et grêles ses fiers bras et sa vaste poitrine, pour un résultat béni et disant : « Apprends que je suis roi comme toi, celui des serpents, comme toi puni. J’ai manqué d’égards envers l’ascète Narada et m’immobilisai jusqu’à l’heure où tu me délivres. Ma reconnaissance te dévoilera le moyen de chasser le démon qui t’afflige. Rends-toi à la ville d’Ayôdhya, auprès du roi Ritouparna; présente-toi à lui, comme habile dans l’art de conduire les chevaux, t’insinuant dans les bonnes grâces du souverain : en échange de tes services, il t’enseignera la science des dés qui, pour son esprit, n’a pas de secrets. Regagne à l’indigne Poushkara, ton royaume. Tiens et voici, pour reprendre ta beauté natale, une couple d’habits célestes, que tu n’auras qu’à vêtir. » Maintenant il s’efforce de cacher son angoisse et refoule en lui cette pensée : « Misérable que je suis. Le chagrin a-t-il égaré l’esprit de ma bien-aimée ? Un moyen qu’elle emploie de me ramener à elle, ou bien est-ce, tant la nature des femmes contient d’inconstance, qu’elle veut chercher, en d’autres liens, le bonheur que je lui ravis. Profitons du désir de Ritouparna; allons dans la