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tendus à toutes, et vivant, puisqu’il y élevait son enfant, cher poids, preuve ingénue ici de la réalité paternelle, comme pour le leur présenter et s’avérer, à la fois. Les yeux du mignon au plafond y suivent, tels au ciel, un éperdu tournoiement, visible, pour eux; tant ils ont de pureté native. La Péri ! qui se joignait à cette joie de reconnaissances; par générosité de rivale supérieure, moins que souriant à l’enfantin privilège de la voir. Voletant, glissant, bondissant. Une main candide s’érige et veut saisir un objet, sans doute, scintillant et amicalement balancé, dans l’air : mille grains, comme une pluie, tombent à terre, c’est le collier; dont, à la brusque étreinte, se rompit le lien; surprise et désarmée, la sylphide s’enfuit; on se précipite pour ramasser les débris, tout est renfilé à souhait, et l’insigne renaît au col de son possesseur, sous les doigts prompts de l’épouse victorieuse : brisé le charme ! l’enfant rendit la vie à celui dont il la tient. Tout le monde fut enchanté, même le peuple, qui avait le bon esprit d’aimer ses rois. La reine-mère exigea que le prince épousât Lakshmi de nouveau en grande pompe. Couple fortuné, pour qui recommencera la nuit qui jamais n’a lieu qu’une fois ! la vérité est qu’il ne la goûta jusqu’ici tout entière. Un ballet merveilleux et unique s’inscrivit au cérémonial : il eut un prélude inattendu, et, pendant un moment, le spectacle se transporta dans la salle. Impudence ou prudence, les sept belles-sœurs de la princesse se rendirent avec empressement au gala : un siège d’honneur, enrichi de pierres précieuses, qui, vide, dardait son regard multicolore, reçut la seule qui jadis se fût montrée compatissante. Aux autres, des tabourets en bois grossier, pour que leur honte éclatât. Lakshmi, se levant du trône, raconte l’histoire qu’on vient de lire. Sa mémoire de femme impitoyable et juste n’omet rien : ni le défi qui lui fut jeté : « Nous croirons à votre innocence le jour où vous épouserez Tchandra-Rajah. » Ce jour brillait, triomphal. L’impossible événement s’était accompli. Fuir, les coupables ne le pouvaient : elles supportèrent, tête basse, une réprobation unanime, au point qu’atterrés leurs maris, crédules autrefois, maintenant vengeurs, ordonnèrent d’un commun accord qu’on les dépêchât en exil, prisonnières pour le reste de