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tout bas : nous n’avons pas perdu au change; mais, c’est égal, on le retrouve tout de même. » Oupahara, pour imiter le défunt, dont l’équité indéniable consistait à distribuer au gré commun ses galanteries, prononce des mots aimables congruant aux minois. La vérité, qu’il avait hâte de se retrouver avec sa bien-aimée Soundari : avec elle il prolongea jusqu’à l’éclatant midi sa nuitée, la première de son avènement au trône. — Un sorbet, quelques baisers encore sur une bouche plus fondante et plus suave; et ce fut le Conseil. Les ministres arrivèrent avec mille génuflexions et autant de compliments. « Messieurs, fit le roi, mes idées ont changé avec ma personne; vous savez que je n’avais pas de très bonnes intentions à l’égard de mon oncle, l’ex-souverain de Mithîla. Voici, maintenant je prétends qu’il soit libre, qu’on lui restitue ce royaume, le sien, et obéissons-lui comme à un père. » Stupeur, dégénérée en simple grimace, des ministres, puis en leur moue; avant qu’un insinuât que la générosité, dans la politique, était une habileté contestable. Sans les écouter, le prince reprit : « Je voulais aussi envahir le territoire du Behar. Après mûre réflexion, j’y renonce; l’instant n’est pas favorable : des soldats massacrés, des récoltes dévastées, l’inimitié du sol et des gens, voilà ce que j’y gagnerais. Mieux vaut toujours, se laisser déclarer la guerre, que de la déclarer soi-même. » Sur ces entrefaites, on annonce au roi que le propriétaire du fameux diamant demande à lui parler. Le négociant entra tremblant, il s’attendait à être dépouillé et à recevoir la bastonnade en guise de paiement si le roi se trouvait dans un accès de générosité. Quelle ne fut pas sa surprise, quand le monarque lui dit d’un ton affable : « Depuis longtemps je désirais posséder ton diamant et, comme il ne me convient d’acheter une chose si précieuse au-dessus ni au-dessous de sa valeur, nous ferons estimer cette pierre par les experts. » Cette fois qu’il n’était plus question de politique, mais d’honnêteté, les ministres prirent leur parti et déclarèrent en grand enthousiasme : « Comme c’est bien lui, notre vertueux, notre incomparable Souverain, ainsi que nous