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brillant et doué de pareille beauté, un jeune homme de noble famille, versé dans les sciences profanes et saintes et du caractère le plus élevé ; que lui donnerait-on ? — Ce qu’on lui donnerait : mais sa personne, son cœur d’abord; et encore tout cela lui serait inférieur. » « Que les conquêtes de l’Amour sont ailées de foudres : elle ! la fière Soundari, était-ce sa froideur qui se fondait ainsi. Le coup, tu le sens, porta, je n’eus qu’à continuer bas. « — J’apprendrai en confidence à la reine, que le fils d’un roi voyage en ce moment, incognito. Votre Majesté est tombée, par hasard, sur le chemin de ses yeux, le jour de la fête du printemps, dans le bocage situé aux portes de la ville. Il y demeure en l’illumination et l’enthousiasme de soi où le mirent votre présence et, le crut-il, vos regards; c’est lui qui de sa propre main a peint ce portrait, pour que restât un gage de ce qu’il se sentit devenir, dans un instant de transfiguration. Si Votre Majesté veut se convaincre que je n’ai rien exagéré, il lui peut plaire d’ordonner un rendez-vous, pour aujourd’hui, demain, quand elle s’en souciera; et elle verra, enchanté et toujours pareil, celui dont je suis, à son insu, vers elle, la tout humble messagère. » Soundari rougit; elle craignit de s’être trop avancée, mais plus curieuse, soudain : « — Au moins, tu es sûre qu’il m’aime ? Ah ! je me désole souvent seule; car je suis seule, tu ne comptes pas comme mon époux ce Vikatavarma, vainqueur et c’est tout, jadis, du roi Mithîla : un vaniteux soudard, peu habile en l’art de plaire. Il me prit de force; fiancée que j’étais, avant même ma naissance et la sienne, par nos deux mères amies, au prince Oupahara, ravi des bras de sa nourrice, perdu et peut-être mort, dans la montagne. » « Un soupir délicieux, je te souhaite, mon fils, d’en respirer de pareils, remua la blancheur de deux seins, sous le gorgerin de turquoises, d’émeraudes et la lourdeur de maintes pierres. Comme voulant se distraire d’une vision chérie que ton portrait eût rendue importune, encore qu’elle mêlât sans doute les deux et pour en fuir l’obsession, elle revint vite à ce qu’il y avait de plus dissemblable, ou le chagrin causé par son hideux époux : pas de maux qu’il ne lui infligeât. « — I.a suprême offense ! il n’a pas craint devant plusieurs entre mes suivantes, de badiner avec une danseuse, étrangère,