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Apprenez plutôt que, du fait même de cette parole, il est condamné à rester dehors — et à continuer avec le commun. Cette unique corde qui avec tous vibre — cette « touche unique de nature » qui réclame un écho de chacun — qui explique la popularité du « taureau » de Paul Potter — qui excuse le prix de la « Conception » de Murillo — cette unique sympathie tacite qui pénètre l’humanité, est — la Vulgarité ! I,a Vulgarité — sous l’influence fascinante de qui la « masse » a coudoyé « l’élite » et la sphère exquise de l’Art fourmille de la cohue ivre des médiocrités, dont les meneurs jasent et conseillent, haussent le ton, là où les dieux autrefois chuchotaient pour parler. Et voici que s’avance de leur milieu le Dilettante à fières enjambées. L’amateur est lâché. La voix de l’esthète s’entend par la terre, et la catastrophe plane. L’intrusion appelle la vengeance des dieux, et le ridicule menace les belles filles de ce pays. Et voici de curieuses converties à un fatidique culte, en lequel tout l’instinct d’attrait — l’étincelle et la fraîcheur — tout le souriant de la femme — va le céder à une étrange vocation pour le déplaisant,— et cela même au nom des Grâces. Est-ce que ce mélange chagrin, mal à l’aise, gêné, et tout confus de mauvaise honte et d’affirmation affolée, peut s’appeler artistique et prétendre à un cousinage avec l’Art — qui se délecte dans la claire, friande, vive gaîté de la beauté ? Non ! — mille fois non ! cela est sans rapport avec nous. Nous ne voulons avoir rien à faire avec. Forcés au sérieux, afin de cacher leur vide, ils n’osent sourire. — Tandis que l’artiste, dans sa plénitude de tête et de cœur, est heureux, et rit haut, et se complaît dans sa force, et se réjouit de la pompeuse prétention — de la solennelle sottise qui l’entoure. Car l’Art et la joie vont de pair, le hardi visage ouvert, tête haute, la main prête — ne craignant rien et ne redoutant pas sa nudité. Sachez donc, vous, toutes les belles femmes, que nous sommes avec vous. N’accordez d’attention, nous vous