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flot humain, n’a sombré ce livre, marqué par quelque Dive funeste pour le pur et simple oubli. Accusez le pilon. A défaut même du poëte, que le curieux ou l’érudit n’ait pas de très longtemps mis un doigt poudreux sur ces feuillets, s’aidant de l’aveu loquace et continuel de vieux magazines qui disaient le livre originalement en français : cause pour moi au moins de trouble ! Si : un homme du goût le plus sagace, passé maître en le récit (j’apprends ce fait tout en me relisant), Mérimée, avec les écrits duquel des morceaux un peu rapides de Vathek et la simplicité volontaire d’expression qui en accompagne jusqu’au final grandiose ne sont pas sans de la ressemblance, pensa de faire éditer pour les délicats, ses pareils, l’œuvre : compromise par la crise de 1870 comme par celles de 89 ou 1815, et aussi par la mort de l’académicien. Avec une obstination pas fortuite, tandis que nous négligions un des écrits les plus intéressants qui aient été jadis composés en français, l’Angleterre du moins ne possédait pas assez d’éloges pour la traduction que le hasard en fit. Produit quelque temps avant la publication de l’original, ce travail (on ne l’ignore) résulta d’une indiscrétion; aussi d’un dol, car on le présenta comme pris, non sur le texte prêté, mais de l’Arabe. Qui : l’auteur l’ignora presque toujours; et ce n’est que la quatrième édition de son ouvrage en plein succès qu’il a retouchée tard, jugeant avec bonhomie le faux passable. L’impression faite sur la génération contemporaine parait grande et aussi n’avoir pas contribué peu à aviver le réveil imaginatif d’alors. Mille paragraphes ou des essais survivent, dispersés dans les revues anglaises : écho du murmure approbateur qui a longtemps accompagné dans le siècle la carrière du livre. Citer, point, dans mon bref labeur; où rien n’a lieu que choisir un volume, puis demander : Qu’y a-t-il? sans vraiment le feuilleter. A Byron, sur le point de révéler aussi un Orient, la réponse due si généralement hante les mémoires, qu’il la faut, seule, transcrire. Pour l’exactitude et la correction du costume, la beauté descriptive et la puissance d’imagination, ce conte, plus que tout oriental et sublime, laisse loin derrière soi toute imitation européenne, et porte de telles marques d’originalité, que ceux-là qui ont visité l’Orient éprouveront quelque difficulté