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— Alors il conçoit qu’il y a, certes, folie à l’admettre absolument : mais en même temps il peut dire que, par le fait de cette folie, le hasard étant nié, cette folie était nécessaire. À quoi ? (Nul ne le sait, il est isolé de l’humanité.)


Tout ce qu’il en est, c’est que sa race a été pure : qu’elle a enlevé à l’Absolu sa pureté, pour l’être, et n’en laisser qu’une Idée elle-même aboutissant à la Nécessité : et que quant à l’Acte, il est parfaitement absurde sauf que mouvement (personnel) rendu à l’Infini : mais que l’Infini est enfin fixé.


Scène de Théâtre, ancien Igitur

Un coup de dés qui accomplit une prédiction, d’où a dépendu la vie d’une race. « Ne sifflez pas » aux vents, aux ombres — si je compte, comédien, jouer le tour — les 12 — pas de hasard dans aucun sens.

Il profère la prédiction, dont il se moque au fond. Il y a eu folie.

Igitur secoue simplement les dés — mouvement, avant d’aller rejoindre les cendres, atomes de ses ancêtres : le mouvement, qui est en lui est absous. On comprend ce que signifie son ambiguïté.

Il ferme le livre — souffle la bougie, — de son souffle qui contenait le hasard : et, croisant les bras, se couche sur les cendres de ses ancêtres.

Croisant les bras — l’Absolu a disparu, en pureté de sa race (car il le faut bien puisque le bruit cesse).

Race immémoriale, dont le temps qui pesait est tombé, excessif, dans le passé, et qui pleine de hasard n’a vécu, alors, que de son futur. — Ce hasard nié à l’aide d’un anachronisme, un personnage, suprême incarnation de cette race, — qui sent en lui, grâce à l’absurde, l’existence de l’Absolu, a, solitaire, oublié la parole humaine en le grimoire, et la pensée en un luminaire, l’un annonçant cette négation du hasard, l’autre éclairant le rêve où il en est. Le personnage qui, croyant à l’existence du seul Absolu, s’imagine être partout dans un rêve (il agit au point de vue Absolu) trouve l’acte inutile, car il y a et n’y a pas de hasard — il réduit le hasard à l’Infini — qui, dit-il, doit exister quelque part.