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jamais n’abolira le hasard », où on le retrouve dépouillé plus encore de tout attribut personnel, ne laissant ressortir que son immatérialité métaphysique et le geste d'un fantôme. L,a progression de l'idée de Mallarmé peut se suivre de F un à l'autre. Après avoir usé toute une vie dans un effort de domination de soi-même de plus en plus complet et ardu, il aboutit à cette conclusion, désespérément, que le Hasard subsiste ; néanmoins, et c'est là le couronnement du labeur humain, cette existence du Hasard est tempérée par la création d'une Constellation, humble défi jeté par le Poëte à /’ Universelle Puissance : il recrée la mécanique céleste par des moyens humains. — Dans Igitur, au contraire, à la suite de repliements, de retournements sur soi incessants — (on ne saurait les mieux comparer qu'à l'état somatique de ce petit animal primitif appelé Polype qu'on peut à volonté retourner en doigt de gant, l'intérieur devenu l'extérieur s'adapte à ses nouvelles fonctions, poussant des bras pour la rie de relation, tandis que la membrane primitivement externe maintenant interne devient apte à la nutrition de l'animal, et ces changements peuvent être indéfinis') — le Héros croit la conscience de soi par lui atteinte si parfaite qu'il annule le Hasard, de par sa seule volonté, outrecuidance attribuable uniquement à la certitude de son élan juvénile (« pas d’astres ? le hasard annulé ? ») Tout ce qu'il peut alors créer, c'est P impossibilité d'être, non le Néant, mais l'Absolu. Il se retrouve d'ailleurs en cela le continuateur de sa race qui, elle aussi, a nié le Hasard, mais sans droit, sans preuve suffisante. Il a fallu que lui vint pour enfin s'en donner des motifs valables, s'en rendre compte. Sous ces réserves, du reste, l'analogie entre Igitur et le Coup de Dés se poursuit au travers de détails. Même décor, le naufrage — le château — indiqué d'un mot dans Igitur, tapisserie et toile de fond dans le Coup de Dés : « un roc faux manoir tout de suite évaporé en brume ». Même costume du héros, velours d'une stature sans âge, séparé du visage dans Igitur par une « fraise arachnéenne », ombre moyenâgeuse, loin de toute légende. Puis identité du Personnage du Héros lui-même, sauf qu'enfant dans Igitur il est devenu un aïeul, un vieillard dans le Coup de Dés, avec cependant des remem-brances de jadis « son ombre puérile ». Ainsi se mesure l'espace d'une vie, d'une vie de réflexion et d'auto-pénétration, je dirais d'intussusception. Mais ce long intervalle n'a point été stérile, car cette vie se transmet « legs en la disparition à