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Dante, au laurier amer, dans un linceul se drape,
Un linceul fait de nuit et de sérénité :
Anacréon, tout nu, rit et baise une grappe
Sans songer que la vigne a des feuilles, l’été.

Pailletés d’astres, fous d’azur, les grands bohèmes,
Dans les éclairs vermeils de leur gai tambourin,
Passent, fantasquement coiffés de romarin,

Mais j’aime peu voir, Muse, ô reine des poèmes,
Dont la toison nimbée a l’air d’un ostensoir,
Un poète qui polke avec un habit noir.


SOLEIL D’HIVER


à Monsieur Eliacim Jourdain.


Phébus à la perruque rousse
De qui les larmes de vermeil,
Ô faunes ivres dans la mousse,
Provoquaient votre lourd sommeil,

Le bretteur aux fières tournures
Dont le brocart était d’ors fins
Et qui par ses égratignures
Saignait la pourpre des raisins,

Ce n’est plus qu’un Guritan chauve
Qui, dans son ciel froid verrouillé,
Le long de sa culotte mauve
Laisse battre un rayon rouillé.

Son aiguillette, sans bouffette,
Triste, pend aux sapins givrés,
Et la neige qui tombe est faite
De tous ses cartels déchirés.