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Toute la nouveauté s’installe, relativement au vers libre, pas tel que le xvne siècle l’attribua à la fable ou l’opéra (ce n’était qu’un agencement, sans la strophe, de mètres divers notoires) mais, nommons-le, comme il sied, « polymorphe » : et envisageons la dissolution maintenant du nombre officiel, en ce qu’on veut, à l’infini, pourvu qu’un plaisir s’y réitère. Tantôt une euphonie fragmentée selon l’assentiment du lecteur intuitif, avec une ingénue et précieuse justesse — naguère M. Moréas; ou bien un geste, alangui, de songerie, sursautant, de passion, qui scande — M. Vielé-Griffin; préalablement M. Kahn avec une très savante notation de la valeur tonale des mots. Je ne donne de noms, il en est d’autres typiques, ceux de MM. Charles Morice, Verhaeren, Dujardin, Mockel et tous, que comme preuve à mes dires; afin qu’on se reporte aux publications. Le remarquable est que, pour la première fois, au cours de l’histoire littéraire d’aucun peuple, concurremment aux grandes orgues générales et séculaires, où s’exalte, d’après un latent clavier, l’orthodoxie, quiconque avec son jeu et son ouïe individuels se peut composer un instrument, dès qu’il souffle, le frôle ou frappe avec science; en user à part et le dédier aussi à la Langue. LTne haute liberté d’acquise, la plus neuve : je ne vois, et ce reste mon intense opinion, effacement de rien qui ait été beau dans le passé, je demeure convaincu que dans les occasions amples on obéira toujours à la tradition solennelle, dont la prépondérance relève du génie classique : seulement, quand n’y aura pas lieu, à cause d’une sentimentale bouffée ou pour un récit, de déranger les échos vénérables, on regardera à le faire. Toute âme est une mélodie, qu’il s’agit de renouer; et pour cela, sont la flûte ou la viole de chacun. Selon moi jaillit tard une condition vraie ou la possibilité, de s’exprimer non seulement, mais de se moduler, à son gré. Les langues imparfaites en cela que plusieurs, manque la suprême : penser étant écrire sans accessoires, ni chu-