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veut entendre ni ne doit les voir : il marche en roi à travers l’enchantement édenéen de l’âge d’or, célébrant à jamais la noblesse des rayons et la rougeur des roses, les cygnes et les colombes, et l’éclatante blancheur du lis enfant, — la terre heureuse ! Ainsi dut être celui qui le premier reçut des dieux la lyre et dit l’ode éblouie avant notre aïeul Orphée. Ainsi lui-même, Apollon. Aussi j’ai institué dans mon rêve la cérémonie d’un triomphe que j’aime à évoquer aux heures de splendeur et de féerie, et je l’appelle la fête du poëte : l’élu est cet homme au nom prédestiné, harmonieux comme un poëme et charmant comme un décor. Dans une apothéose, il siège sur un trône d’ivoire, couvert de la pourpre que lui seul a le droit de porter, et le front couronné aes feuilles géantes du laurier de la Turbie. Ronsard chante des odes, et Vénus, vêtue de l’azur qui sort de sa chevelure, lui verse l’ambroisie — cependant qu’à ses pieds roulent les sanglots d’un peuple reconnaissant. La grande lyre s’extasie dans ses mains augustes.