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POÈMES D’ENFANCE ET DE JEUNESSE 5

Non ! — la rose qui nait sur une tresse blonde Au bal, quand le cœur rêve, et l’horizon est beau, Ne doit point se faner demain sur un tombeau ! Que ta rosée, au ciel, et non des pleurs, l’inonde ! Non ! — mon Harrict sourit lorsque les chants ailés Que le soir à son cœur murmure avec la brise Soufflent : Amour... espoir... et mille mots voilés ! Non ! — sa joue est de flamme et son sein s’aërise ! Son regard d’une étoile a pris une étincelle, Qui brille, astre d’un soir, sur un orbe d’azur Dont la fatigue seule, en la rasant de l’aile, A, jusqu’à l’autre aurore, entouré son œil pur ! Mère, dors ! l’œil mouillé ne compte pas les heures...

— Parce que ton enfant fait courber ton genou Qu’un céleste reflet luit à ton front, tu pleures... — Qui sait ? un ange peut s’égarer parmi nous. Il peut... mais, ô Seigneur, pourquoi moi qui console Sens-je sous ma paupière une larme glisser ? N’ornes-tu tant son front qu’afin qu’elle s’envole ? Dépouille-t-elle ici ce qu’elle y doit laisser ? Ton lys prend l’or du ciel avant que tu le cueilles ! Oui, le corps jour par jour voit fuir en son été Ce qu’il a de mortel, comme un arbre ses feuilles ! L’on devient un enfant pour l’immortalité ! Chaque chant de l’horloge est un adieu funèbre ! O Deuil ! un jour viendra que ce sera son glas ! Heure par heure, glisse un pas dans les ténèbres : C’est le pied de la mort, qui ne recule pas ! Lorsque son œil rêveur voit, dans l’azur qu’il dore, S’élever le soleil derrière un mont neigeux, Son cœur bat : elle est morne, et crie en pleurs aux cieux : Hier, hier, hier, rendez-moi son aurore. II

Hier ! — hier ! il est bien loin ! Le temps a soufflé dans sa voile... Non ! hier à ce jour n’est joint

Que par la chute d’une étoile !