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LES CLOCHES Chanson (Page 204.) « TAE tous ces poëmes, le seul effectivement intradui- 1—* sible ! non pas (comme d’autres) en raison de l’atmosphère spéciale de passion ou de rêverie qu’il émane : je crois que cette impalpable richesse ne se perd pas tout entière au passage d’une langue à l’autre, bref, qu’il est un démon pour les traducteurs. La difficulté, quant à une œuvre si nette et si sonnante, regorgeant d’effets purement imitatifs mais toujours dotés de poésie première, gît en l’emploi de certains procédés de répétition qui, contenus par le rythme originel, se défont et comme s’égrènent dans une version en prose. Force m’a été de transcrire ces séries de répétitions seulement parmi des parenthèses; et comme des indications que le lecteur ne lira que des yeux, plutôt que des mots réels ajoutant leur vertu au texte français. Qui voudrait se faire une idée de l’enchantement produit par la phrase anglaise, doit se procurer le très singulier et très heureux essai d’imitation des Cloches, d’un de nos très rares poètes, connaissant bien l’anglais, M. Emile Blémont. Le vers, chez lui, a pu, s’éloignant du calque strict habituel de notre version, transposer d’une langue à l’autre, tels timbres jumeaux, et témoigner d’une ingéniosité bien faite pour réjouir Poe lui-même. Ce morceau des Cloches ne parvint à son ampleur, qu’après avoir subi deux refontes dans le laboratoire du poëte : j’ai sous la main et crois pouvoir donner l’esquisse ou premier jet : Les cloches ! entende^ les cloches ! les cloches joyeuses de noces ! les petites cloches d'argent ! Comme féerique une mélodie s'enfle là hors de prisons tintant l'argent, des cloches, cloches, cloches ! des cloches.