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— sur la mer — sur les esprits au vol — sur toute chose assoupie — et les ensevelit dans un labyrinthe de lueur. Profonde, oh ! profonde alors la passion de leur sommeil. Au matin Elles se lèvent, et le voile lunaire prend vers les Cieux un essor, avec les tempêtes qui s’y agitent, comme... presque comme tout — ou un pâle Albatros. Elles n’emploient plus cette lune aux mêmes fins que devant, videlicet une tente — ce que je crois extravagant : ses atomes donc se séparent en une averse, dont ces papillons de la Terre, qui cherchent les Cieux et redescendent (êtres jamais satisfaits !) apportent un spécimen par leurs ailes frissonnantes. LE LAC ü printemps de mon âge ce fut mon destin de hanter 1X de tout le vaste monde un lieu, que je ne pouvais moins aimer — si aimable était l’isolement d’un vaste lac, par un roc noir borné, et les hauts pins qui le dominaient alentour. Mais quand la Nuit avait jeté sa draperie sur le lieu comme sur tous, et que le vent mystique allait murmurer sa musique — alors — oh ! alors je m’éveillais toujours à la terreur du lac isolé. Cette terreur n’était effroi, mais tremblant délice, un sentiment que, non ! mine de joyaux ne pourrait m’enseigner ou me porter à définir — ni l’Amour, quoique l’Amour fût le tien ! La mort était sous ce flot empoisonné, dans son gouffre une tombe bien faite pour celui qui pouvait puiser là un soûlas à son imagination isolée — dont l’âme solitaire pouvait faire un Éden de ce lac obscur.