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la vallée de l’ombre, chevauche hardiment, répondit l’ombre, — si tu cherches l’Eldorado. » UN RÊVE En des visions de la sombre nuit, j’ai bien rêvé de joie défunte, — mais voici qu’un rêve tout éveillé de vie et de lumière m’a laissé le cœur brisé. Ah ! qu’est-ce qui n’est pas un rêve le jour, pour celui dont les yeux portent sur les choses d’alentour un éclat retourné au passé ? Ce rêve béni, ce rêve béni, pendant que le monde entier grondait, m’a réjoui comme un rayon cher guidant un esprit solitaire. Oui, quoique cette lumière, dans l’orage et la nuit, tremblât comme de loin, que pouvait-il y avoir, brillant avec plus de pureté, sous l’astre de jour de Vérité ! ISRAFEL Dans le ciel habite un esprit « dont les fibres du cœur font un luth ». Nul ne chante si étrangement bien — que l’ange Israfel, et les étoiles irrésolues (au dire des légendes) cessant leurs hymnes, se prennent au charme de sa voix, muettes toutes. Vacillante et lointaine à sa plus haute heure, la lune enamourée rougit de passion; alors, pour écouter, la vermeille clarté ainsi que les rapides Pléiades, elles-mêmes, toutes les sept, fait une pause dans les Cieux. Ils disent (le cœur étoilé et tout ce qui écoute là) que la flamme d’Israfel doit à cette lyre, avec quoi il siège et chante, le frémissement de vie qui se prolonge sur ces cordes extraordinaires.