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blancs d’amis rendus il y a longtemps, par l’agonie, à la Terre — et au Ciel. Pour le cœur dont les maux sont légion, c’est une pacifique et calmante région. — Pour l’esprit qui marche parmi l’ombre, c’est — oh ! c’est Eldorado ! Mais le voyageur, lui, qui voyage au travers, ne peut — n’ose pas la considérer ouvertement. Jamais tel mystère ne paupière frangée; et aussi l’Ame en peine qui y passe, ne le contemple qu’à travers des glaces obscurcies. Par une sombre route nue, hantée de mauvais anges seuls, où une Idole, nommée Nuit, sur un trône noir règne debout, j’ai erré avant de ne revenir que récemment de cette extrême et vague Thulé. A HÉLÈNE Je te vis une fois —• une seule fois — il y a des années ! combien, je ne le dois pas dire, mais peu. C’était un minuit de Juillet : et hors du plein orbe d’une lune qui, comme ton âme même s’élevant, se frayait un chemin précipité au haut du ciel, tombait de soie et argenté un voile de lumière, avec quiétude et chaud accablement et sommeil, sur les figures levées de mille roses qui croissaient dans un jardin enchanté, où nul vent n’osait bouger si ce n’est sur la pointe des pieds;/— il tombait sur les figures levées de ces roses qui rendaient, en retour de la lumière d’amour, leurs odorantes âmes en une mort extatique; — il tombait sur les figures levées de ces roses qui souriaient et mouraient en ce parterre, enchanté — par toi et par la poésie de ta présence. Tout de blanc habillée, sur un banc de violettes, je te vis à demi gisante, tandis que la lune tombait sur les figures levées de ces roses, et sur la tienne même, levée, hélas ! dans le chagrin. N’était-ce pas la destinée qui, par ce minuit de Juillet, — n’était-ce pas la destinée, dont le nom est aussi cha-