Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/227

Cette page n’a pas encore été corrigée

s’abat ou s’enfle le danger, à l’abattement ou à l’enflure dans la colère des cloches, dans la clameur et l’éclat des cloches ! Entendez le glas des cloches — cloches de fer ! quel monde de pensée solennelle comporte leur monodie ! Dans le silence de la nuit que nous frémissons de l’effroi ! à la mélancolique menace de leur ton. Car chaque son qui flotte, hors la rouille en leur gorge — est un gémissement. Et le peuple — le peuple —- ceux qui demeurent haut dans le clocher, tout seuls, qui sonnant (sonnant, sonnant') dans cette monotonie voilée, sentent une gloire à ainsi rouler sur le cœur humain une pierre — ils ne sont ni homme ni femme — ils ne sont ni brute ni humain — ils sont des Goules : et leur roi, ce l’est, qui sonne; et il roule (roule — roule), roule un Péan hors des cloches ! Et son sein content se gonfle de ce Péan des cloches ! et il danse, et il danse, et il hurle : allant d’accord (d’accord, d'accord) en une sorte de rythme runique, avec le tressaut des cloches — (des cloches, cloches, cloches), avec le sanglot des cloches; allant d’accord (d’accord, d’accord) dans le glas (le glas, le glas) en un heureux rythme runique, avec le roulis des cloches — (des cloches, cloches, cloches), avec la sonnerie des cloches — (des cloches, cloches, cloches, cloches, cloches — cloches, cloches, cloches) — le geignement et gémissement des cloches. La journée la plus heureuse, l’heure la plus heureuse, mon cœur atteint et fané l’a connue. —- Le plus haut espoir d’orgueil et de puissances, je sens qu’il est passé. De puissances ! dis-je ? oui ! je me le figure, mais il y a longtemps que c’est évanoui; hélas ! les visions de la jeunesse ont été, qu’elles fuient. Orgueil, qu’ai-je maintenant à faire avec toi ! Un autre front peut bien hériter du poison que tu m’as versé : sois tranquille, mon esprit.