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BALLADE DE NOCES L’anneau est à mon doigt, et la couronne à mon front; une profusion de satins et de joyaux est à mes ordres — et je suis heureuse maintenant. Et, mon Seigneur, il m’aime bien; — mais quand il exhala son vœu, je sentis mon cœur se gonfler — car les mots sonnèrent comme un glas et la voix semblait la sienne, à celui qui tomba — dans la bataille au fond de la vallée — et qui est heureux maintenant. Mais il parla de façon à me rassurer, et il baisa mon front pâle; lorsqu’une rêverie survint et me porta au cimetière, et je soupirai, devant moi le voyant mort, d’Elormie : « Oh ! je suis heureuse maintenant ! » Comme cela, furent dites les paroles, comme cela le vœu proféré; et, quoique je manque à ma foi et quoique le cœur me manque, regardez le gage d’or qui prouve que je suis heureuse maintenant. Plaise à Dieu que je m’éveille ! car je ne sais pas ce que je rêve, et mon âme est douloureusement ébranlée — de la crainte qu’il n’y ait un mauvais pas de fait, de peur que le mort qui est délaissé ne soit pas heureux maintenant. LÉNORE Ah ! brisée est la coupe d’or ! l’esprit à jamais envolé ! Que sonne le glas ! — une âme sanctifiée flotte sur le fleuve Stygien; et toi, Guy de Vere, n’as-tu de larmes ? pleure maintenant ou jamais plus ! Vois ! sur cette morne et rigide bière, gît ton amour Lénore ! Allons ! que l’office mortuaire se lise, le chant funèbre se chante ! Une antienne pour la morte la plus royale qui jamais soit