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passé ? tout ce que nous voyons ou paraissons, n’est qu’un rêve dans un rêve. Je reste en la rumeur d’un rivage par le flot tourmenté et tiens dans la main des grains du sable d’or — bien peu ! encore comme ils glissent à travers mes doigts à l’abîme, pendant que je pleure — pendant que je pleure ! O Dieu ! ne puis-je les serrer d’une étreinte plus sûre ? O Dieu ! ne puis-je en sauver un de la vague impitoyable? Tout ce que nous voyons ou paraissons, n’est-il qu’un rêve dans un rêve ? A QUELQU'UN AU PARADIS Tu étais pour moi, amour, tout ce vers quoi mon âme languissait — une ile verte en mer, amour, une fontaine et un autel enguirlandés tout de féeriques fruits et de fleurs, et toutes les fleurs à moi. Ah ! rêve trop brillant pour durer : ah ! espoir comme une étoile qui ne te levas que pour te voiler. Une voix, du fond du Futur crie : « Va ! — va ! » — mais sur le Passé (obscur gouffre) mon esprit, planant, est muet, immobile, consterné ! Hélas ! hélas ! car pour moi la lumière de la vie est éteinte : « non ! — plus ! — plus ! — plus ! » (ce langage que tient la solennelle mer aux sables sur le rivage) ne fleurira l’arbre dévasté de la foudre, et l’aigle frappé ne surgira. Et tous mes jours sont des extases, et tous mes songes de la nuit sont où ton œil d’ombre s’allume et luit ton pas — dans quelles danses éthérées — par quels ruissellements éternels !