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Du même témoin, on peut lire avec intérêt, au sujet de Mallarmé et Whistler, les pages intitulées Les portraits de Mallarmé et Mallarmé et les peintres dans Nos rencontres (p. 182 et seq. et p. 209 et seq., 1 vol., Mercure de France, 1931). Quoique nous n’ayons pas, parmi les papiers du poëte, trouvé de lettre de Whistler qui date d’avant le 8 janvier 1889, il est hors de doute que ses relations avec le peintre américain remontaient à bien des années auparavant : peut-être prirent-elles un caractère plus intime après la publication de la traduction du Ten O'Clock, mais elles devaient avoir commencé avant 1880 dans l’atelier d’Édouard Manet, car tout porte à croire que c’est par cette amicale entremise que les deux hommes se connurent. Né le 10 juillet 1834 à Lowell (Massachussets), James Mc. Ncill Whistler était donc sensiblement l’aîné de Mallarmé. Apres avoir vécu une partie de son enfance en Russie où son père avait été appelé comme ingénieur, il revint aux États-Unis et après y avoir passé trois ans à l’École Militaire de Wcst Point, puis une année comme dessinateur au Bureau des Cartes marines à Washington, il prit le parti de se rendre à Paris, en 1855, et entra dans l’atelier de Gleyre, qu’il fréquenta avec fantaisie, se consacrant librement, par ailleurs, à l’étude de l’eau-forte et de la peinture. En 1859, son tableau Au piano fut refusé par le jury et c’est la même année qu’il commençait à donner les témoignages de sa maîtrise comme graveur. C’est alors qu’il se lia avec Fantin-Latour, Alphonse Legros, Ribot, Courbet, et le souvenir de ses relations françaises d’alors est fixé dans l’Hommage à Delacroix de Fantin-Latour où on le voit au premier plan de ce tableau : il y figure avec Manet, Legros, Baudelaire, Duranty, Champflcury, Bracqucmond. Au cours de la période 1861-1865, il partagea son temps entre Londres et Paris et des voyages en Espagne, en Hollande. En 1863, il fut un des artistes les plus en vue du fameux Salon des Refusés, et cette année-là se fixa à Londres. C’est là qu’en 1871, il peint le portrait de sa mère. Il avait passé les étés de 1865 et de 1866 avec Courbet, aux environs de Trouville. La première exposition à la Grosvcnor Gallery à Londres, en 1877, fut l’occasion pour Whistler de se manifester par un ensemble important de peintures et de débuter avec éclat dans ce qu’il a appelé plus tard l'Art charmant de se faire des ennemis. Le procès qu’il eut contre Ruskin à la suite des critiques dénigrantes de cclui-ci en fut le point de départ et renforça chez Whistler les manifestations d’un tempérament naturellement combattif. De septembre 1879 à novembre 1880 il fit un séjour laborieux à Venise d’où il rapportait une importante série d’eaux-fortes : puis reprit sa vie londonienne en dépit de la défaveur où l’avaient placé auprès des amateurs de peinture l’acharnement et l’incompétence des critiques patentés.