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et prochain, je crois, dont vous voulez bien vous souvenir ; publications très insignifiantes de mon hiver. » Mais aucun fragment de la Préface à Vatbek ne parut dans ce numéro ni dans un autre de la République des Lettres. La réimpression de l’ouvrage de William Bcckford ne fut prête que vers la fin de mai 1876 et ce n’est que le 7 juin que Mallarmé en annonçait ainsi l’envoi à Swinburne : « Je vous encombre et de riens : cette fois, c’est ma réimpression de I ’atlick, elle prend le chemin d’Holmwood, plus fortunée que moi, qui espcrc bien cependant aller un jour vous y faire une visite... juger au tracé rapide d’une phrase sur le dos d’une carte de visite ce que vous pensez de ce vieux conte oriental qui, vu sa date, me remplit d’étonnement, c’est ce qui m’intéresse beaucoup : mais parlez sincèrement et dites si cela ne vous semble pas trop bizarre qu’un littérateur fiançais revendique ce livre, écrit dans notre langue. » Par retour du courrier, Swinburne lui répondait (9 juin 1876), dans une lettre demeurée inédite, et également écrite en français : « Merci encore une fois de votre admirable édition de Vathek. J’ai lu ce conte autrefois célèbre, à présent injustement négligé, à l’âge de douze ans, dans la traduction anglaise : en le relisant sous de meilleurs auspices, j’ai reconnu çà et là des morceaux disparus de ma mémoire depuis longtemps. Je ne me rappelais (avant cette lecture) que la belle et sombre fin du récit. Livre étonnant, comme vous dites, vu la date. Je me suis toujours figuré Beckford comme un homme très malheureux et beaucoup plus profondément rongé de malaise et d’ennui mélancolique que ne le fut jamais son admirateur Byron. Il me semble que cela éclate ou murmure, ici comprimé, là s’échappant partout et dans son livre et dans tout ce qu’on raconte de vrai ou de faux à son égard. Être millionnaire et vouloir être poëte et ne l’être qu’à moitié, — se sentir quelque chose comme du génie, qui n’est après tout et ne sera jamais qu’un à peu près, — réussir presque à trouver le chemin de l’artiste créateur, puis retomber sur ses richesses, cela doit faire de la vie d’un poëte manqué quelque chose de plus triste que la salle d’Eblis. A tout prendre, c’est un beau livre et je vous remercie cordialement de m’avoir donné cette occasion de le relire, — ce que j’ai fait soigneusement de la première page de votre préface si pleine d’intérêt, jusqu’à la dernière variante ou correction. » En témoignant ainsi qu’il avait lu, avec soin, meme cette préface difficile, Swinburne ajoutait (référence à la page xxix) : « Permettcz-moi de vous indiquer une petite erreur assez insignifiante et que je ne prendrais pas sur moi de noter meme en passant, si je n’écrivais pas à un ami en même temps qu’à un confrère. Le vrai nom du vieux poëte Barry Cornwall ne fut point Samuel Proctor, mais Bryan Waller Procter. Je l’ai connu, c’était un vieillard fort aimable et sa veuve est bien la plus étonnante