qui parut d’abord dans le Moniteur Universel des 20 et 27 janvier 1868 et fut reproduit dans les Portraits historiques et littéraires (Paris, Lévy frères, 1874), ch. XIV, p. 310. « Pour traiter le merveilleux au xixe siècle, l’Arioste n’est pas, à mon avis, le guide qu’il faut prendre. C’est à lui pourtant que s’attacha Pouchkine. Quelques années auparavant, un homme de beaucoup d’esprit, Beckford, avait commis la même erreur. C’était l'homme de son temps qui savait le mieux l’arabe et qui avait étudié le plus à fond toutes les traditions de l’Orient. Il a versé son immense savoir dans son roman de X'athek ; mais au lieu de donner à son œuvre la forme grande et sérieuse dont elle était digne, il conte dans un style badin, pastiche très habile de I lamilton, les plus sombres et les plus terribles légendes qu’ait inventées l’imagination orientale... » Ce fut peut-être sur une tradition orale que Mallarmé s’est appuyé en cette occasion : on ne sache pas qu’il ait jamais rencontré Mérimée et sc soit entretenu avec lui. Peut-être sa connaissance de Beckford et de son œuvre remontait-elle au temps de son séjour en Angleterre : peut-être lui avaient-ils été signalés alors par ce compatriote devenu Anglais avec lequel il se lia, le chevalier de Châtelain, tout occupé de traductions en l’une et l’autre langues et que le cas de cet écrivain bilingue pouvait avoir retenu. Les lettres de Mallarmé à ses amis n’en portent cependant aucune trace : mais il s’en est perdu, pour ccttc période. La révélation, ou du moins l’indice de cet ouvrage singulier, eût pu lui apparaître par une voie qui lui était assurément familière, par Edgar Poe. Dans le volume intitulé Histoires grotesques et sérieuses qu’en mars 1865, Baudelaire faisait paraître de scs traductions de contes d’Edgar Poe, Mallarmé put lire, d’une part, dans le Domaine d'Arnheim : « La mort récente de mon ami, en ouvrant l’entrée de son domaine à certaines classes de visiteurs, a donné à Arnhcim une espèce de célébrité secrète et privée, sinon solennelle, ressemblant en quelque sorte, bien qu’elle soit d’un degré infiniment supérieur, à celle qui s’est attachée si longtemps à Fonthill. », « Fonthill », c’est-à-dire la demeure fantastique et princicre que s’était fait construire William Beckford et qui défraya si longuement les conversations et suscita si diversement les curiosités en Angleterre. » Et d’autre part, quelques pages plus loin, dans le Cottage Landor, il put lire également : « ... et, en disant que ccttc maison, comme la terrasse infernale aperçue par I ’athek était d'une architecture inconnue dans les annales de la terre (1)... » Avec cette note : « (1) Dans l’original ces mots sont imprimés en français. C. B. » Phrase et note de nature à éveiller l’attention du lecteur, mais
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