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P. 276. UN SPECTACLE INTERROMPU Ce poëme en prose fut publié d’abord dans la République des Lettres du 20 décembre 1875, puis repris, en 1886, dans le Scapin, numéro du Ier septembre. Recueilli dans Pages en 1891, il ne figura ni dans \'Album de Vers et de Prose (1887), ni dans Vers et Prose .(1895). P. 278. RÉMINISCENCE (Tournon, 1864; Valvins, septembre 1888.) Ce poëme parut d’abord, sous le titre : l'Orphelin, dans la Revue des Lettres et des Arts (24 novembre 1867); il fut reproduit dans l'Art libre de Bruxelles (ier février 1872). Ce premier texte était si différent de celui qui parut dans Pages en 1891, puis dans Divagations, qu’il convient de rappeler ici entièrement la première version. L’Orphelin : « Orphelin, déjà, enfant avec tristesse pressentant le Poète, j’errais vêtu de noir, les yeux baissés du ciel et cherchant ma famille sur la terre. Une fois s’arrêtèrent sous les arbres dont le vent cassait le bois mort, près de la rivière, des baraques de foire. Devinais-je ma parenté et que je serais des leurs, plus tard, mais j’aimais à vivre de la vie de ces comédiens et vers eux j’allais oublier mes hideux camarades. Par les planches m’arrivaient, brise ancienne des chœurs, des voix d’enfants maudissant un tyran, avec de grêles tirades, car Thalie habitait la tente et attendait l’heure sainte des quinquets. Je rôdais devant ces tréteaux, orgueilleux, et plus tremblant de la pensée de parler à un enfant trop jeune pour jouer parmi ses frères, mais qui s’appuyait au cintre des toiles écarlates de pourpoints et d’audace romantique, peintes par le maître qui, peut-être, à cet instant, croyait seul au moyen âge. L’enfant, je le vois toujours, coiffé d’un bonnet de nuit taillé comme le chaperon du Dante, mangeait, sous la forme d’une tartine de fromage blanc, les lys ravis, la neige, la plume des cygnes, les étoiles, et toutes les blancheurs sacrées des poètes : je l’eusse bien prié de m'admettre à son repas si je n’avais été si timide, mais il le partagea avec un autre qui vint brusquement, en sautant, - un petit saltimbanque de la baraque voisine dans laquelle on allait donner les tours de force, ce frivole exercice ne se refusant pas à la banalité du grand jour. Il était tout nu dans un maillot lavé et pirouettait avec une turbulence surprenante : ce fut lui qui m’adressa la parole : « Où sont tes parents ? — Je n’en ai pas, lui dis-je. — Ah ! tu n’as pas de pcrc, moi, j’en ai un. Si tu savais comme c’est amusant un père, ça rit toujours... même l’autre soir où l’on a mis en terre mon petit frère, il faisait des grimaces plus belles quand le maître lui lançait des claques et des coups de pied. Mon cher, dit-il, en élevant sa jambe disloquée avec une facilité glorieuse, il m’amuse bien,