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qui peuvent intéresser le grand public posthume qu’a suscité l’œuvre du poëte. J’ai repris les choses où, la mort l’interrompant lui-même, les a laissées Baudelaire, c’est-à-dirc à la traduction de scs poëmes extraordinaires que tout le monde a lus dans une revue ou un journal de temps à autre, mais que je n’ai pas publiés encore dans leur ensemble. « Ajoutez huit très belles compositions du peintre Manet, mon ami, dont plusieurs sont célèbres ayant paru dans une traduction in-folio du Corbeau de Poe, et que j’ai fait réduire pour le volume que je prépare, au format petit in-8°. Je crois qu’il y a là une publication curieuse et d’un attrait véritable pour les amateurs en même temps que pour tout lecteur ordinaire de Poe. Enfin cet ouvrage trouvera — cette question a son importance, et est à traiter en temps voulu, — des souscripteurs en Amérique et en Angleterre, où il est très fréquemment annoncé dans les journaux littéraires et indiqué même à l’avance dans les catalogues spéciaux ayant trait à Poe. L’heure me semble surtout favorable parce que ia maison Charpentier prépare — mais dans son format, sans illustrations, etc... — un volume courant d’une autre traduction, comprenant seulement ces fameux poèmes, traduction en prose également, comme la mienne; une, en vers, d’Émile Blémont, le critique du Rappel, doit enfin paraître cet été. Tout cet ensemble n’est point mauvais pour mon livre, mis à point depuis plusieurs années et successivement enrichi d'images, fac-similé, etc., qu’il est le seul à posséder. « J’étais allé voir, il y a quelques jours, mon cher et vieux camarade Cladel, lui parlant de mon intention de me déssaisir prochainement de mon manuscrit, quand il a mis votre nom en avant, Monsieur; je vous écris donc pour vous demander si cette affaire vous agréerait. « Tant de publications exquises sorties de vos mains m’ont passé sous les yeux depuis quelque temps, empreintes d’un goût si parisien et si moderne, que, bibliophile forcené (et, je dois le dire, difficile, mais sùr de m’entendre avec vous pour faire quelque chose de très particulier) je me fais un plaisir de vous soumettre, à tout le moins, le projet contenu dans cette lettre. « Veuillez croire, Monsieur, à mes sentiments bien dévoués. « J’ajoute que je possède presque tous les clichés, et que si vous devez venir à Paris, sous peu, comme l’a dit Cladel, nous pourrions traiter de vive voix l’agencement de ce volume d’environ deux cents pages. » Il semble qu’il s’agit alors d’un éditeur de province ou de l’étranger; rien ne résulta de cette proposition : mais il dut y a voir quelques pourparlers à la suite desquels Mallarmé s’enquit auprès de Manet d’une nouvelle collaboration possible, car le 30 juillet 1881, de Versailles où il passait l’été, le peintre écrivait à Mallarmé, alors à Valvins :