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demandé un à l’intention d’un recueil dont l’cditcur Lemerre avait confié le soin à Philippe Burty. Il s’agissait, sous le titre de Sonnets et Eaux-fortes, de joindre des sonnets de poètes vivants à des planches des meilleurs artistes du temps. L’ouvrage parut au cours de l’annce suivante, réunissant les sonnets de 41 poètes, parmi lesquels Banville, Gautier, Leconte de Lislc, Sainte-Beuve, Hérédia, Verlaine, Glatigny, Anatole France : mais Mallarmé n’y figura pas. Une lettre de Cazalis à Mallarmé en explique la raison : « Tu me vois furieux, je n’ai pas porté ton sonnet à Lemerre. Samedi quand je suis arrivé avec un sonnet fort beau de Leféburc, Lemerre m’a répondu que Burty, l’imprcssario de cette sotte affaire, avait maintenant plus de sonnets que d’aquafortistes, et n’en acceptait plus, fùt-il un sonnet de Dieu lui-même. Je lui ai répondu qu’il était un sot, que son volume serait aussi ridiculement fait que le Parnasse, qu’il était absurde de confier à Burty les clefs du royaume de Saint Pierre, quand ce Burty n’était ni aquafortiste ni poëte... N’importe, je reviendrai à l’assaut. Ton sonnet est très bizarre. Plairait-il ? Non, certainement; mais c’est ton honneur de fuir le goût du populaire. » Ce dut être Emmanuel des Essarts qui se chargea de la transmission. Si l’on en croit ce passage de sa lettre du 13 octobre 1868 à Mallarmé : « J’ai de toute façon donné à Mcndès tes deux sonnets. Celui que tu destines à Nina [de Villard] en vers de huit pieds est remarquable. Quant à l’autre, La nuit approbatrice, ni Cazalis ni moi ne l’avons pu comprendre. » L’édition des Poésies (Deman, 1899) au lieu de « fermé » montre, à l’avant-dernier vers, le mot formé. Inadvertance ou correction ? Dans le doute, — car les deux versions sont plausibles — nous avons maintenu celle de 1887. Sur le prospectus annonçant l’édition photo-lithographiée de 1887, cette pièce figure encore sous le titre La Nuit... Faut-il en conclure que la seconde forme de ce sonnet date de 1887? C’est probable. Très exceptionnellement, Mallarmé a donné de son sonnet un commentaire qu’il convient de faire figurer ici. Il se trouve dans une lettre à Henry Cazalis de juillet 1868. (Cf. H. Mondor, Izz> de Mallarmé, p. 267.) « J’extrais ce sonnet, auquel j’avais une fois songé, d’une étude projetée sur la parole : il est inverse, je veux dire que le sens, s’il en a un (mais je me consolerais du contraire grâce à la dose de poésie qu’il renferme, ce me semble) est évoqué par un mirage interne des mots memes. En se laissant aller à le murmurer plusieurs fois on éprouve une sensation assez cabalistique. C’est confesser qu’il est peu « plastique » comme tu me le demandes, mais au moins est-ce aussi « blanc et noir » que possible, et il me semble se prêter à une eau-forte pleine de rêve et de vide.