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On a pu faire bien des suppositions et même évoquer le caractère faunesque qu’aurait révélé la forme pointue des oreilles du poëte lui-même : on en est réduit aux conjectures, Mallarmé n’ayant, — pour autant qu’on le sache, — confié à aucun de ses amis la suite de pensées, de songes ou d’images, ou la rencontre, ou la lecture ou le rêve qui l’avait engagé dans cette voie. Ce n’est que fin mars 1876 que /’Après-midi d’un Faune parut chez l’éditeur Dcrcnne qui publiait depuis décembre précédent la revue dirigée par Catulle Mendès : la République des Lettres, à la fondation de laquelle Mallarmé avait pris part et dont il était le collaborateur depuis le premier numéro. Cette édition de F Après-midi d’un Faune ne compta qu’à peine deux cents exemplaires et témoigna d’une recherche et d’un goût particuliers : le Hollande, le Japon et le Chine en furent les papiers choisis : une couverture de feutre blanc du Japon, frappé d’or sur des exemplaires fermés par des cordonnets de soie rose et noire, des illustrations d’Edouard Manet, tout concourut à faire, comme le dit, longtemps après, le poète dans sa Bibliographie des Poésies (Deman, 1899), « une des premières plaquettes coûteuses et sacs à bonbons mais de rêve et un peu orientaux... » La raison, à ce moment précisément, de cette publication isolée de /’Après-Midi d'un Faune, doit être cherchée dans le refus que Mallarmé avait essuyé d’Alphonse Lcmerre d’inclure ce poème dans la troisième série projetée du Parnasse Contemporain. On a sur ce point une curieuse lettre de Mallarmé à Mendès où l’on surprend presque en colère cet homme si courtois et si maître de soi : Le vendredi 3 juillet [1875] Mallarmé avait écrit à Alphonse Lemerre : « Ci-joint les vers du Parnasse : je vous demanderai de vouloir bien m’en faire adresser les épreuves, parce que je n’ai eu le temps que de recopier ce morceau sans y faire quelques corrections nécessaires. » La décision dut être prompte, puisque la lettre du poëte à Mendès est du mercredi 28 juillet 1875 : « Mon bon ami, j’aurais voulu vous répondre avant l’heure de la poste : mais j’ai dû aller chez Lcmcrrc, pour savoir si tout était arrangé. La volubilité de cet homme de bien m’a retenu quatre heures, passage Choiscul : il a honorablement et même amicalement terminé la chose... C’est moi qui ai essuyé la première colère de Lcmerre, violente et simplement horrible : et j’armais véritablement dans les poches de mon habit des revolvers absents... Au fond du malentendu, il y avait la subtile maladresse de Erance, pour ne pas dire plus. « Autre chose, mes vers sont refusés par le comité du Parnasse ; mais n’en parlez qu’en souriant et comme d’une probabilité ridicule, parce que c’est ainsi que j’ai recueilli moi-meme l’énoncé de ce fait. Si j’avais pris autrement la chose et si elle se vérifiait, je me croirais obligé d’aller gifler les trois juges, quels qu’ils